Aucune marque « Je suis Charlie » ne verra le jour

Le désormais célèbre logo reprenant le slogan « Je suis Charlie » fait l’objet de nombreuses tentatives d’enregistrement de marques et noms de domaine. L’Institut National de la Propriété Industrielle ne validera aucune demande.

« L’Inpi considère que cette expression ne permet pas d’identifier les produits et services d’une entreprise. Compte tenu de l’ampleur de l’utilisation de ce slogan, un acteur du marché ne peut pas seul s’approprier une telle marque. »

Telle est la réponse de Vanessa Bouchara, avocate spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, lorsque le refus de l’INPI est évoqué lors d’un entretien avec Le Point (14 janvier 2015).

Honteuse, révoltante, ou encore contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public, telle est jugée l’exploitation du slogan. Et pourtant, gagner de l’argent en commercialisant une marque « Je suis Charlie » a visiblement muri dans certaines têtes puisque pas moins de 50 demandes de dépôt de marque ont été reçues par l’INPI depuis le jour des attaques. Bien que des produits dérivés soient déjà en vente sur divers sites d’e-commerce, l’INPI refuse tout enregistrement qui le rendrait légalement exploitable. Même Joachim Roncin, l’inventeur du slogan, obtiendrait la même réponse alors qu’il serait le mieux placé pour accéder à cette requête bien qu’il n’ait aucunement l’intention de le faire.

En Belgique, un homme a tenté sa chance auprès du Benelux Office for Intellectual Property (BOIP) en mettant en avant un point juridique stipulant que personne n’est actuellement propriétaire d’« une marque antérieure identique ou similaire au signe demandé et qui [ait] été enregistrée pour des produits identiques ou similaires à ses propres produits ou services ». Selon Paul Maeyaert du Cabinet ALTIUS à Bruxelles, l’intéressé obtiendra également un refus.

Concernant les noms de domaine internet, l’avocate estime qu’il n’est « pas en soi interdit de déposer un nom de domaine associé à cette expression », mais que les titulaires « s’exposent à des poursuites pour usage parasitaire sur le fondement de l’article 1382 du Code civil », bien sûr en cas plainte des journalistes de Charlie Hebdo.

Le slogan « Je suis Charlie » connait un énorme succès depuis une semaine et cela se répercute également sur la vente du quotidien. En effet, la revente actuelle du Charlie Hebdo N° 1178 du 14 janvier 2015 fait polémique en atteignant, suivant les annonces, plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un prix de base de 3 euros. Annoncé à 1 million d’exemplaires, le tirage avait été porté à 3 millions tandis qu’il sera réimprimé, afin que le tirage final atteigne les 5 millions d’exemplaires. Le journal était habituellement tiré à environ 50 000 exemplaires depuis quelques années. Coup « médiatico-commercial » ou moyen de lutte contre les ventes abusives émanant de particuliers ?

En tout cas, les sites d’annonces en ligne tentent de museler les ventes du quotidien qui apparaissent pour beaucoup abusives et honteuses, bien que les réelles transactions qui ont lieu se passeraient autour de sommes plus modestes. Le N° 1177 avait été très prisé et faisait déjà l’objet de ventes en ligne surréalistes le jour même de la tuerie au siège du journal satirique. Il existe aussi un commerce illégal de fichiers PDF, disponibles entre 1 et 6 euros, alimentant aussi la polémique.

Sources : Le Point — Le Parisien — 20 Minutes