Sugar daddis, dating ou prostitution étudiante ?

Seeking Arrangement est un site de rencontres entre jeunes étudiantes et hommes riches. Un site parmi d’autres qui se développent à vitesse grand V, attirant toujours plus d’étudiants, à la recherche d’un peu d’argent. Ni site d’escort, ni site de rencontres, le concept a de quoi inquiéter. Le phénomène des « sugar daddy » est en pleine expansion.

Si l’on vous dit « sugar daddy », vous visualisez du sucre dans un paquet rose ? De l’autre côté de la Manche, c’est à la prostitution étudiante que l’on fait référence. Depuis quelques années, les sites internet mettant en relations les jeunes étudiantes avec les sugar daddies – hommes riches et souvent plus âgés – se multiplient. Seeking Arrangement, l’un des sites américains pionniers dans le domaine et comptant actuellement plus de deux millions de membres, offre une description extrêmement claire de son fonctionnement et de ce que chacun peut espérer y trouver : « Des arrangements mutuellement bénéfiques ne sont pas étranges, et ils ne sont définitivement pas neufs. Des hommes plus âgés, riches, et de belles jeunes femmes se sont cherchés pendant… disons… DES MILLIERS D’ANNÉES. C’est une tradition qui n’est pas près de changer. Ainsi, pourquoi ne devrions-nous pas, hommes et femmes modernes, être simplement honnêtes sur ce que nous voulons et ce que nous avons à offrir ? ».

Loin d’être un banal pendant masculin de la cougar, le sugar daddy se caractérise donc avant tout par les bénéfices matériels qu’il peut apporter à son sugar baby. Derrière la revendication d’honnêteté de chacun sur ses attentes, réside donc la perspective plus inquiétante d’une nouvelle forme de prostitution, presque impossible à contrer sur le plan juridique.

Techniquement, rien n’indique qu’un arrangement implique nécessairement relations sexuelles. Dans une interview accordée en 2011 au Wall Street Journal, Brandon Wade – créateur de Seeking Arrangement – affirme que les « échanges mutuels » n’ont rien à voir avec la prostitution, du fait que les relations daddy-baby impliqueraient avant tout selon lui une alchimie : « La plupart des gens qui se rencontrent sur le site n’ont pas de relations sexuelles au premier rendez-vous. Après, une relation se crée, le sexe devient une part de cette relation ».

Un sondage conduit sur le site l’année dernière révèle cependant que, dans environ 80% des cas, les relations sexuelles seraient un composant des relations établies par le biais du site. Sur le blog affilié, les formulations quant aux conditions des arrangements sont d’ailleurs nébuleuses au point d’en être presque révélatrices. S’il est admis que le sugar daddy doit apporter de l’argent sur la table, la nature de la contribution en retour du sugar baby n’est pas spécifiée. Un seul impératif : « Tout arrangement doit être mutuellement bénéfique par nature, alors ne vous attendez pas à recevoir quelque chose sans rien en retour. Tous les sugar babies doivent mettre quelque chose sur la table ».

Ce constat soulève de vifs questionnements éthiques. Dès lors que les mises en relations se construisent avec pour prémisse une condition monétaire et que les relations sexuelles font partie en pratique de l’échange, peut-on parler de prostitution ? Les créateurs du concept assurent qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un échange sexe-monnaie ponctuel caractéristique de la prostitution. Néanmoins, plusieurs témoignages de prostituées recueillis lors du débat sur la pénalisation des clients soulignent que des relations régulières, et parfois affectives, s’établissent avec certains de leurs clients. La frontière entre la prostitution dite « traditionnelle » et les pratiques des sites de Sugar Daddy est donc aux yeux de certains moins marquée qu’il n’y paraît.

AU ROYAUME-UNI ET ÉTATS-UNIS, UNE EXPLOSION DU NOMBRE D’ÉTUDIANTES CONCERNÉES

Le débat a été relancé ces dernières semaines par les statistiques fournies par Seeking Arrangement : celles-ci montrent que les sugar babies se trouvent désormais être à 44% des étudiantes. Et le phénomène semble s’accélérer, en 2012, Seeking Arrangement ayant recensé une hausse des inscriptions de 58% d’étudiantes. La raison fournie pour expliquer un tel succès : les frais de scolarité des universités anglaises et américaines. Leurs montants très élevés plongent de nombreux étudiants dans une spirale de prêts qu’ils sont incapables de rembourser. Non seulement leur nombre augmente, mais le montant moyen de leurs dettes personnelles suit la même tendance.

Au Royaume-Uni, une étude statistique menée par le Push University Guide en 2011, prenant en compte la hausse des frais de scolarité annoncée pour 2012, dresse un tableau sombre de la situation actuelle et future : pour ceux ayant commencé leurs études en 2011, la dette individuelle estimée à leur sortie de l’enseignement supérieur s’élèverait ainsi à plus de 26 000 livres (un peu plus de 31 000 euros).

Seeking Arrangement a publié en janvier ses classements des 20 universités regroupant le plus de sugar babies dans les deux pays : en têtes de liste, on trouve la Georgia State University, Cambridge, LSE, la New York University ou encore Kent University. Dans l’ensemble, les sugar babies se concentrent davantage à Londres en ce qui concerne le Royaume-Uni, tandis que leur nombre est plus homogène à travers les États-Unis.

La hausse du nombre d’étudiantes concernées se confirmant donc, Seeking Arrangementcompte bien surfer sur la vague et exploiter le filon universitaire : une adhésion premiumest offerte lorsque le compte est créé avec une adresse e-mail universitaire.