Colombie : Comment la capitale de la violence s’est mutée en destination touristique

Depuis l’apaisement des tensions en Colombie, le pays semble être redevenu une destination touristique. En effet, depuis 2010, une augmentation des visiteurs étrangers est visible, pas seulement pour le tourisme mais également pour le business. Une meilleure gouvernance nationale et locale a permis à ce pays de retrouver une réputation plus avantageuse.

La Colombie est connue pour ses problèmes de narcotrafic mais aussi pour son conflit avec les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) qui aura duré 50 ans, lui donnant une image sécuritaire déplorable, un sentiment d’insécurité inacceptable pour n’importe quel touriste. Le processus de paix est toujours en cours mais le pays semble être sur le bon chemin, comme en témoigne une stabilisation d’un point de vue sécuritaire mais également économique : en 2014, la Colombie affichait une croissance de 4,7% tandis que 2 millions d’étrangers ont choisi ce pays pour faire du tourisme principalement. Ces touristes sont pour la plupart étasuniens et sud-américains, tandis que les européens ont tendance à apprécier la destination, provenant d’Espagne, de France, d’Allemagne ou encore du Royaume-Uni.

Voici une carte de la Colombie mettant en exergue la situation du pays avant le développement d’un tourisme régulier. Elle indique les différentes cultures liées au narcotrafic ainsi que des éléments relatifs à la guerre civile avec les Farc. (2000, Observatoire géopolitique des drogues).


« La Colombie apparaît comme un pays attractif à l’échelle internationale et régionale »
, explique Sergio Bueno, directeur de la Migration du gouvernement colombien, au Courrier International du 7 janvier 2015.

Avec la paix, la Colombie attire à nouveau, un changement illustré par la métamorphose de la ville de Medellín, deuxième municipalité du pays avec presque 4 millions d’habitants, qualifiée de « capitale de la cocaïne » ou encore « capitale de la violence ». La mutation de la ville, lancée depuis une douzaine d’années, incarne ce renouveau colombien. Le maire Aníbal Gaviria a poursuivi les anciennes politiques de refondation sociale menées par ses prédécesseurs, dont la priorité était de s’attaquer à la pauvreté, aux inégalités et marginalisations, source de violence.

« On dit souvent que notre ville a changé d’image. Mais c’est la réalité qui a changé ! Il y a vingt ans, nous connaissions une violence aiguë, nous vivions une époque sombre »
explique le Maire. En 1991, Medellín comptait 390 homicides pour 100 000 personnes, un véritable record balayé aujourd’hui puisque ce taux a été réduit de 95%. La pauvreté quant à elle aurait reculé de 8 à 3%.

Cette refondation est basée sur un changement citoyen ayant pour valeurs l’équité et le vivre ensemble, en passant par une restructuration urbaine. Ainsi, la ville de Medellín a mis les moyens pour mener à bien ce projet en améliorant ses infrastructures et ses services publics. Par exemple, le système scolaire publique rénové a permis une augmentation du taux de scolarisation, passant de 25 % à 87 % en 10 ans. Autre exemple, le Metrocable : trois lignes de téléphériques reliant le centre-ville aux quartiers les plus défavorisés (barrios), sur les hauteurs de la ville. Cet aménagement de transport en commun a réduit le temps de trajet pour ces populations qui se rendent au travail chaque jour, passant de 3h à pied à 30 minutes en téléphérique.

Le Metrocable de Medellín, reliant le centre-ville aux barrios / Jorge Gomez
Le Metrocable de Medellín, reliant le centre-ville aux barrios / Jorge Gomez

Des projets architecturaux ont été lancés, permettant une sécurisation de certains espaces urbains jugés dangereux, surtout la nuit. Par exemple, l’énorme bibliothèque España achevée en 2008 a permis d’animer une zone où il était impossible de sortir après 17h. Il est possible de citer d’autres édifices ayant un effet similaire : la bibliothèque León de Greiff, le Parque Explora (insectarium et musée des sciences), un jardin botanique restructuré, ou encore un centre de congrès moderne flambant neuf.

Bien que tout ne soit pas encore réglé, l’actuel maire a reçu en 2013 un prix pour son investissement, décerné par des organisations citoyennes du pays. De plus, l’organisme indépendant d’évaluation des politiques publiques en Colombie a classé Medellín en première position parmi 1 100 municipalités ayant une bonne gouvernance.

La Colombie attire désormais les touristes, mais une petite part des étrangers vient pour travailler ou faire des affaires, autre preuve que la situation s’arrange. Ce motif de voyage jouit d’une augmentation de 84% depuis 2010. La plupart des travailleurs migrants demandant un permis de travail temporaire viennent du Venezuela frontalier.

En 2014, deux français originaires de Chambéry ont ouvert un restaurant à Medellín, puis une boulangerie. « C’était une aventure que de créer sa propre entreprise dans une ville qui a cette réputation ! », explique l’un d’eux, Simon Légat, en ajoutant « J’ai fait le tour du monde, pris le temps d’observer et de comprendre, et la Colombie est devenue un aimant pour moi. Il y a tant de fraternité et de joie de vivre dans ce pays. »

Même si le trafic de drogue et la violence « survivent » tout de même, il semble indéniable qu’une bonne gouvernance peut réduire de manière conséquente, par des actions d’urbanisme et d’aménagement notamment, la précarité, source de violence en général. L’histoire nous a déjà montré qu’un peuple tiraillé par la faim et la pauvreté est amené à la violence.

Sources : Courrier International – La PresseLe DauphinéPopulation Data

– Illustration principale : JIMENA MARTIINEZ