Le monde devient-il vraiment de plus en plus violent ?

Pour beaucoup, cet été a comme un goût amer. Avec les tragédies qui ont marqué les mois précédents et qui nous hantent encore aujourd’hui et les événements violents qui continuent de marquer l’actualité, le coeur n’est pas autant à la légèreté et au plaisir qu’à l’habitude. À chaque jour son lot de malheurs et de tristesse (la tuerie d’Orlando, le traumatisme Niçois, la prise d’otage accompagnée de massacres à Dacca au Bangladesh et l’égorgement du prêtre Jacques Hamel de la main des meurtriers de Daesh…), des signes qui s’invitent dans les médias comme pour nous rappeler que nous vivons dans un monde qui va mal. Bon nombre de personnes pensent à regret que nous faisons des pas en arrière et que nous vivons des temps d’intolérance et d’une violence peu commune.

Néanmoins, ce n’est pas l’avis que partage Steven Pinker ! Ce professeur de Harvard qui marque l’esprit de ses pairs par son expertise dans nombre de sujets comme la science cognitive et la linguistique concentre ses recherches sur la nature humaine et notre propension à nous tourner vers la violence ou au contraire la coopération. C’est au travers de ces mêmes recherches qu’il tire une conclusion peu commune : la violence est en déclin et on vit selon lui le moment d’Histoire le plus paisible jamais connu. C’est une thèse qu’il avait déjà développée en 2011 dans son livre The Better Angels of Our Nature: A History of Violence and Humanity dans lequel il écrivait déjà à ce sujet qu’il s’agissait peut-être du « plus significatif et moins valorisé des développements de l’histoire de notre espèce« .

Une interview pour le site Vox menée par Julia Belluz publiée le 16 août s’était intéressée à son point de vue sur la question suite aux événements récents, et force est de croire que celui-ci n’a pas changé. Dans cette interview, il dénonce l’importance de se rappeler que « l’actualité est une manière trompeuse de comprendre le monde. Cela concerne toujours des événements qui se sont produits et jamais sur des choses qui ne se sont pas produites. (…) Tant que les événements violents ne tombent pas à zéro, il y aura toujours des gros titres sur lesquels cliquer« . Il continue en ajoutant qu’il y a une petite augmentation du nombre de morts à cause de la guerre en Syrie, mais que cela ne représente qu’une fraction des chiffres observés dans les années 60 ou 90. Selon lui, cela ne représente que des « remous sur des courbes qui descendent, descendent et descendent« .

Dans cette interview, il continue son analyse en rappelant que les chiffres de la base de données sur le terrorisme mondial indiquent que l’Europe en 2015 a été moins touchée aujourd’hui que dans la période de 1972 à 1992, il pense que « l’Europe a survécu et l’Europe survivra à ces attaques« . De plus, il évoque l’idée que « les mouvements terroristes sont toujours un échec. Ils s’essoufflent et n’atteignent pas leurs objectifs stratégiques. L’Irlande du Nord fait toujours partie du Royaume-Uni, les Pays basques font toujours partie de l’Espagne, Israël existe toujours et la liste continue encore et encore« .

Il rappelle que les chiffres sont bas et montrent combien « un petit nombre d’individus peut manipuler les médias. Le seul moyen de se faire connaître est de tuer des gens innocents. »Pour lui, les médias sont dangereux, car ils « font une publicité sans fin pour ceux qui commettent plusieurs meurtres. Ils créent une voie aux gens qui veulent faire la différence pour une cause politique, leur propre égo (…) ou comptent sur cette publicité sanglante pour mettre leur cause sous les spotlights« . Loin de penser que la presse doit être muselée, il pense simplement que « publier des manifestes, vidéos, photos et faire des analyses ou discussions sans fin les encourage. (…) Il devrait y avoir de la proportionnalité en terme de coût humain« .

Enfin, il invite tout le monde à avoir une travail réflexif sur la question et ne pas baisser les bras. Pour lui : « le pessimisme peut être une prophétie qui cause un effet Pygmalion. Tandis que nous devons nous montrer réalistes quant aux changements positifs ou négatifs dans les taux de violence, nous devons nous aussi nous rappeler que la violence est un problème qu’on peut gérer et qu’on a déjà géré et il est important de voir cela avec un oeil réaliste : suivre les augmentations et les réductions et ce qui cause les montées et descentes et faire plus de ce qui les fait descendre. Nous savons que c’est descendu ces dernières années donc nous devrions identifier ce que nous avons fait pour y arriver et en faire plus. »