Lutte contre le réchauffement climatique, préservation de la biodiversité, source de bien-être personnel… Les bénéfices de la forêt sont nombreux. Pourtant, la forêt elle-même souffre du réchauffement climatique, au point que ces bienfaits s’en trouvent menacés. Une gestion durable des forêts permet de lutter contre ces effets délétères.
Bien-être, lutte contre le réchauffement… La forêt, source de bienfaits
Avec la crise sanitaire et son ensemble de mesures de restrictions, les Français auraient-ils retrouvé le goût de la forêt ? « Depuis un an, et surtout depuis la fin du confinement, on avait observé, de façon plutôt intuitive et empirique, que les Français avaient envie de forêt, surtout à partir du 11 mai, où il y a eu le déconfinement, où les forêts ont été ouvertes », évoquait le 19 mars dernier Françoise Le Failler, directrice de la communication de l’ONF. À l’occasion du 21 mars, journée internationale des forêts, une étude ViaVoice pour l’ONF confirme cette intuition : pour 59 % de sondés, le contexte actuel a renforcé l’envie d’aller en forêt. Peut-être faut-il y voir une forme de reconnaissance par les Français des bienfaits de la forêt, dans un contexte qui voit la lutte contre le changement climatique s’imposer comme une priorité. La forêt contribue à cette lutte, en stockant de plus en plus de carbone du fait de l’expansion de la surface et de la croissance forestière. En trente ans, la forêt française a ainsi gagné l’équivalent de la superficie de la Bretagne, rappelle l’inventaire forestier de l’IGN. Une progression annuelle qui se poursuit, avec 90 000 hectares supplémentaires par an.
Cette forêt en expansion permet de lutter contre le changement climatique grâce à trois leviers, rappelle le site du Ministère de l’Agriculture. D’abord grâce à la séquestration, « pouvoir naturel des arbres à absorber le carbone par la photosynthèse ». Grâce ensuite au stockage, c’est-à-dire la capacité à garder de carbone, même si l’arbre est transformé. La substitution, capacité du bois à remplacer d’autres matériaux plus énergivores ou d’origine fossile permet également d’éviter des émissions. « La forêt nous rend une multitude de services. Du point de vue de l’atténuation du changement climatique, elle stocke durablement du carbone du fait de l’expansion forestière. Les produits bois à longue durée de vie, comme le bois de construction, font la même chose, tout en se substituant à des matériaux plus énergivores », résume Emilie Machefaux, cheffe du service Forêt, alimentation et bioéconomie de l’ADEME.
Faire de la forêt un acteur et non une victime du réchauffement climatique
Mais si la forêt est un acteur essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique, elle en subit aussi les conséquences. Les épisodes de sécheresse, de plus en plus fréquents, sont particulièrement en cause. En raison du manque d’eau, les arbres se fragilisent et deviennent plus vulnérables encore à la sécheresse. Pour Sylvain Dezon, biologiste écologue à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « on peut penser qu’un arbre affaibli par une sécheresse aura plus de mal à se remettre d’un nouvel épisode extrême ». Ces arbres sont dès lors plus vulnérables aux attaques d’insectes. En trois ans, les scolytes ont ainsi détruit 9 millions de m3 de bLa gestion durable des forêts, nécessaire pour en préserver les bienfaitsois dans les régions Grand Est et Bourgogne Franche Comté. Autre conséquence des sécheresses, les arbres peinent à jouer leur rôle de puits de carbone et grandissent moins vite. Or, précise Emilie Machefaux, la capacité de la forêt à agir contre le réchauffement climatique « repose sur son état de santé et sur la préservation de ses fonctions écologiques ». En d’autres termes, cela pose la question du travail d’adaptation de la forêt au dérèglement climatique. Pour Bertrand Wimmers, directeur de l’agence de Picardie de l’Office National des Forêts (ONF), ne rien faire serait condamner la forêt à perdre cette course contre la montre : « les arbres ont une capacité naturelle à s’adapter et à se déplacer mais de façon très lente. (…) Or, le réchauffement va très vite. On a le sentiment que ce qu’on imaginait comme scénario pour 2040 ou 2050 est en train de se produire aujourd’hui… ».
Une gestion durable des forêts pour en préserver les bienfaits
Pour Emilie Machefaux, « une gestion efficace de la forêt ne peut être que durable et multifonctionnelle ». En France, celle-ci passe par des prélèvements qui demeurent inférieurs à l’accroissement naturel de la forêt, ce qui contribue à maintenir le « puits de carbone national » en augmentation. Bertrand Munch, directeur général de l’Office national des forêts, voit dans ces coupes l’occasion de favoriser l’installation de « peuplements plus résistants au changement climatique » par le biais de plantations. Une forêt composée de plusieurs essences augmente en effet sa résilience face à des événements climatiques extrêmes. Pour Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels à l’ONF, « on sait (…) que la résistance des écosystèmes végétaux – et forestiers en particulier – repose sur le fait qu’ils ne soient pas trop homogènes ». Quant aux coupes de régénération, elles concernent les arbres mûrs (60 ans pour les pins, 100 ans pour le hêtre ou 150-180 ans pour les chênes). En apportant suffisamment de lumière au sol, elles permettent le développement des jeunes semis et la régénération de la forêt. Ce sont aussi ces coupes qui rendent possible la valorisation du bois.
La gestion durable des forêts permet ainsi à la fois de régénérer la forêt et de valoriser économiquement le bois. Une attention portée à l’aval de la filière qui va dans le sens du dernier rapport du GIEC, pour qui une gestion durable des forêts constitue une réponse à la lutte contre le changement climatique : « Lorsque le carbone du bois est transféré dans les produits ligneux récoltés, ceux-ci peuvent stocker du carbone sur le long terme, et être substitués à d’autres matériaux plus énergivores ». Mais une telle gestion signifie aussi que ces coupes sont encadrées. Chaque forêt publique dispose ainsi d’un programme d’action sur 20 ans et de prescriptions strictes à respecter sur la biodiversité, l’eau, le sol, le patrimoine, les peuplements forestiers et la sécurité, lesquelles sont toutes rassemblées dans un cahier des charges qualitatif pour la mobilisation des bois : le « Cahier National des Prescription d’Exploitation Forestière ». Quant aux forêts privées, qui représentent 12,6 millions d’hectares soit les trois quarts de la surface forestière métropolitaine, leur gestion obéit à plusieurs exigences. Le code forestier assure le bon respect des règles en matière sylvicole. À celui-ci s’ajoute la mise en place d’un document de gestion durable adapté aux forêts et à leur composition ainsi qu’aux orientations des sylviculteurs : Plan Simple de Gestion, Règlement Type de Gestion, Codes de Bonnes Pratiques Sylvicoles, Schéma Régional de Gestion Sylvicole… La gestion durable des forêts ne s’improvise pas et permet à la forêt de jouer son rôle essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique.