Renan Pacheco mène l’enquête sur la déforestation au Brésil

Brésil - Pxhere

L’influenceur franco-brésilien Renan Pacheco, suivi par plus d’un demi-million d’abonnés sur Instagram, a rendu public une enquête sur les ressorts de la déforestation en Amazonie. Rôle des acteurs politiques locaux, contrôle des chaînes d’approvisionnement, place de la France par rapport aux grandes puissances importatrices de viandes bovines, Renan Pacheco balaye bien des idées reçues sur cet épineux sujet, et invite à éviter les raccourcis stériles.

Né à Sao Paulo, et ayant suivi une partie de sa scolarité en France, Renan Pacheco, qui fait partie des influenceurs les plus connus et suivis sur Instagram, a partagé avec ses abonnés une vidéo d’enquête qu’il a réalisé sur une problématique qui le concerne tout particulièrement, la déforestation de la forêt amazonienne. Celui qui, dans ses différentes photos et vidéos publiées sur Instagram, a toujours fait montre de son engagement pour la forêt amazonienne, fait le point sur les menaces qui pèsent sur cet écosystème remarquable et fragile et balaye au passage de nombreux préjugés.

 

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Aux sources de la déforestation

À l’occasion d’un voyage au Brésil pour les fêtes de fin d’année, Renan Pacheco a pris contact avec différentes ONG brésiliennes, parmi les principales présentes sur place comme Imaflora ou NWF. Une manière de redonner la parole aux experts locaux qui suivent en permanence les mutations que connaît l’Amazonie et ce, notamment, depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019, à l’origine d’une véritable “politique incendiaire” comme le soulignait dernièrement une tribune dans Le Monde[1].

Face à cette posture, que d’aucuns considèrent comme criminelle[2], des autorités brésiliennes, enclines à fermer les yeux sur les acteurs à l’origine des pires exactions contre la forêt brésilienne, les ONGs locales sont sur le front de la déforestation. Parmi ces dernières, Imaflora et NWF sont régulièrement citées parmi les plus influentes afin d’essayer d’adresser les enjeux environnementaux au Brésil. Renan Pacheco est allé à leur rencontre afin de recueillir leur ressenti et leur analyse sur la situation en cours, et pour remonter jusqu’aux responsables de cette accélération de la pression incendiaire en Amazonie depuis plusieurs mois maintenant.

Interrogé par Renan Pacheco sur la structuration du marché brésilien de la viande bovine, Lisandro Inakake de Souza, responsable d’Imaflora, une ONG engagée depuis plus de 25 ans dans la promotion du milieu rural brésilien, revient notamment sur les liens unissant fournisseurs et distributeurs, ainsi que sur la nécessité de contrôler au maximum les fermes de bovins. Tout en soulignant, dans un premier temps, “qu’il existe encore de la déforestation dans la chaîne de production de certains distributeurs”, le responsable d’Imaflora estime “qu’une partie du problème ne peut être résolue qu’à travers l’évolution des stratégies d’inspection des fermes”.

Si cette approche est primordiale selon lui, il n’en souligne pas moins que le travail de traçabilité demeure ardu, notamment du côté des abattoirs. Si l’approvisionnement direct peut être aisément contrôlé de la part de ces derniers, le problème se complexifie grandement dès lors que certains acteurs, en début de chaîne, recourent à de l’approvisionnement indirect. “Il y a toute une couche de production qui n’est pas encore contrôlée”, explique ainsi Lisandro Inakake de Souza, et ce, notamment, en raison d’un manque d’outils méthodologiques et techniques permettant de mener à bien une mission d’une complexité certaine.

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Déforestation de l’Amazonie, 2012 – Crédits : earthobservatory.nasa.gov

Une production brésilienne captée principalement par le marché asiatique

 D’après le responsable d’Imaflora, sur les trois principaux abattoirs brésilien, seule 20% de la production est destinée à l’exportation. Et sur ces 20%, “la plus grande partie est destinée au marché asiatique, principalement à la Chine et à Hong-Kong, devant le Moyen-Orient, Israël ou encore la Russie.. Et si le marché européen apparaît également au rang des importateurs de viande brésilienne, ce dernier “importe une bien moindre quantité de viande brésilienne” toujours selon Lisandro Inakake de Souza.

Concernant la France, régulièrement accusée ces derniers mois d’avoir un impact sur la déforestation au Brésil, notamment via ses entreprises spécialisées dans la grande distribution, le responsable d’Imaflora se veut catégorique. Si la France s’approvisionne notamment au Brésil, sa participation dans ce marché est, somme toute, congrue et, dès lors, la France est “naturellement moins responsable de ce processus de déforestation au Brésil”.

À ce titre, et comme l’explique Francisco Beduschi, responsable de la National Wildlife Federation (NWF), les deux principaux distributeurs français présents au Brésil, que sont Carrefour et GPA (filiale du groupe Casino), ne représentent qu’une part marginale du marché de la viande bovine au Brésil. Pour le responsable de la NWF, ces deux entreprises, en dépit de leur place périphérique sur ce marché de la viande bovine, n’en ont pas moins un rôle très important à jouer pour accompagner tout à la fois le changement des pratiques et des mentalités.

Sur ce dernier point, Francisco Beduschi souligne que ces deux acteurs sont parties prenantes de la démarche portée par son association et “supportent ce mouvement” via une série de partenariats noués au cours de ces dernières années, que ce soit pour adresser la problématique des approvisionnements indirects ou bien pour participer à l’élaboration de solutions et d’outils techniques destinés mieux superviser le maquis des fermes brésiliennes illégales.

Contrôler et réduire le maquis des fermes brésiliennes

Interrogé sur les moyens dont disposent les fournisseurs pour s’assurer de travailler effectivement avec des fermes réglementées, Francisco Beduschi, responsable de la NWF, estime, dans la lignée du discours du responsable d’Imaflora, qu’il s’agit là du “sujet de la complexité de la chaîne” sur lequel butent la plupart des observateurs de la déforestation au Brésil. La dimension quasi inextricable du problème se manifeste dès lors que les fournisseurs s’adressent à des fermes qui, pour des motifs divers, choisissent de répercuter la demande auprès de fermes échappant à tout contrôle.

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Crédits : Cunningchrisw / Pixabay

La boucle peut même, sur le schéma des poupées russes, se complexifier quasiment jusqu’à l’infini, estime le responsable du NWF, puisque les fermes non réglementées peuvent, également, choisir de sous-traiter auprès d’autres fermes échappant, tout comme elles, aux contrôles réalisés quotidiennement par les autorités et les ONG locales. Une complexité rendue, au demeurant, d’autant plus insoluble qu’en l’état, la réglementation brésilienne s’avère être, par les cadres qu’elle impose aux différents acteurs de la chaîne, relativement permissive par rapport à la provenance des viandes bovines.

Comme l’explique Francisco Beduschi, il n’y a pas de document obligatoire dans la transaction commerciale qui servirait à vérifier si la ferme à laquelle un produit a été acheté n’a pas participé à de la déforestation illégale, si elle n’est pas liée au travail des esclaves, ou si elle occupe une zone qui appartient à une population indigène”. Pour essayer de mettre en lumière ces nombreuses zones d’ombre, propices à toutes les déviances puisque échappant à tout contrôle, le NWF a mis en place, en 2015, aux côtés de l’ONG brésilienne Les Amis de l’Amazonie de la Terre Brésilienne, un Groupe de Travail de Fournisseurs Indirects (GTFI) destiné à mettre autour de la table les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement en viandes bovines.

Rassemblant des producteurs locaux, des abattoirs, des ONGs, des distributeurs alimentaires, comme GPA (filiale du groupe Casino) notamment du côté des acteurs français, ou encore des entreprises spécialisées dans la surveillance de la bonne application des règles de transparence et de traçabilité, le GTFI cherche, dans la mesure de ses moyens, à répondre aux enjeux posés par ces mécanismes d’approvisionnement indirects. Une chose est certaine, et comme le souligne Francisco Beduschi, la solution passe nécessairement par cette coopération accrue entre les différentes parties prenantes engagées dans une lutte contre la déforestation de la forêt amazonienne.

Autant d’acteurs qui, sans nécessairement bénéficier d’un soutien franc et massif du gouvernement brésilien, agissent au quotidien comme l’a montré Renan Pacheco dans son reportage, pour faire évoluer les pratiques et les mentalités. Tout en soulignant la grande complexité des chaînes d’approvisionnement au Brésil, nécessaire selon Renan Pacheco à la compréhension la plus complète du phénomène, ce dernier, dans la lignée du discours du responsable de la National Wildlife Federation au Brésil, souligne qu’en la matière les distributeurs français sont parmi ceux qui agissent le plus pour accompagner ces évolutions nécessaires à la préservation de l’Amazonie, à l’image notamment de GPA, une filiale du groupe Casino, qui s’engage, et ce depuis plusieurs mois, à couper tous liens avec des fermes dès lors que ces dernières ne répondent pas à l’ensemble des critères, de transparence et de traçabilité.

Face à la dérive criminelle du gouvernement brésilien sur les enjeux environnementaux, les acteurs privés constituent, dès lors, comme le soulignent Renan Pacheco et les responsables d’ONGs locales interrogés, une solution aux problèmes et apparaissent comme les plus à même d’enrayer la spirale mortifère qui ravage l’Amazonie depuis plusieurs années.

[1] « La politique incendiaire de Bolsonaro en Amazonie ». Le Monde.fr, 20 septembre 2019. Le Monde, https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/20/amazonie-la-politique-incendiaire-de-bolsonaro_6012353_3232.html.

[2] « Incendies criminels en Amazonie : qui est derrière “le jour du feu” du 10 août ? » Konbini News – Société et Politique : Make News Great Again, https://news.konbini.com/planete/incendies-criminels-en-amazonie-qui-est-derriere-le-le-jour-du-feu-du-10-aout/