L’île de Bornéo est un paradis de biodiversité mis en péril par la déforestation à grande échelle. Selon une nouvelle étude, l’île appartenant à trois pays aurait perdu 30 % de ses forêts depuis 1973.
L’île de Bornéo en Asie du Sud-est est la troisième île la plus étendue au monde, avec une superficie de 736 000 km². Elle est administrée par trois pays différents : l’Indonésie (Kalimantan), couvrant 73 % de la surface, la Malaisie (26 %, états de Sabah et Sarawak) et le sultanat de Brunei (1 %).
Cette île est dotée d’une biodiversité unique et héberge une forêt tropicale humide aussi importante que celle présente en Amazonie. Entre 1994 et aujourd’hui, près de 500 espèces animales y ont été découvertes. Par exemple, l’Orang-outan (50 000 individus présents sur l’île) mis gravement en péril par la destruction de son habitat et par la chasse.
Un article du CitizenPost paru le 1er août 2013 explique le recul de la forêt depuis 1990 et les raisons de cette catastrophe écologique. Les causes d’une telle situation sont les incendies (criminels ou non), l’aménagement de nouveaux espaces de culture (huile de palme) et bien sûr l’exploitation du bois.
Une étude reprend ces trois causes, fournissant une analyse permettant de comprendre que 30 % de la forêt tropicale de Bornéo a bel et bien disparu. L’étude a été publiée le 16 juin 2014 dans la revue Plos One et s’intitule « Four Decades of Forest Persistence, Clearance and Logging on Borneo ». Une équipe internationale avait été réunie par l’Université du Massachusetts afin de mener à bien ce projet placé sous la direction de David Gaveau et d’Eric Meijaard.
Les chercheurs ont utilisé des données satellites et des photos aériennes, ce qui a permis de dissocier les plantations industrielles des forêts primaires. Ainsi, ils ont pu cartographier le réseau routier au cœur des exploitations forestières en prenant en compte les différences d’altitude (hautes terres/basses terres).
Les résultats démontrent que depuis 1973, les forêts primaires abritant la plus grande diversité et stockant les plus grands volumes de carbone ont diminué de 73 %. Ces forêts ont été complètement rasées à raison de 39 %, et exploitées de façon sélective pour 34 % d’entre elles. L’état malaisien de Sabah accuse un bilan de 52 % de ses forêts rasées et 29 % exploitées, constituant la perte la plus significative. Selon les chercheurs, seulement 18 % des forets de l’état de Sabah sont toujours debout.
La plus grosse perte de forêt se trouve du côté indonésien (Kalimantan). En effet, Kalimantan a perdu 123 941 km² de foret entre 1973 et 2010, puis Sabah (22 865 km²), Sarawak (21 309 km²) et Brunei (378 km²).
« En 2010, les domaines industriels de palmiers à huile et les plantations pour le bois s’étendaient respectivement à 64 943 km2 et 10 537 km2, représentant 10 % de Bornéo » expliquent les chercheurs.
La déforestation à Bornéo sert principalement à faire de la place aux plantations industrielles d’huile de palme (Indonésie premier producteur mondial) entre autres, et à la fabrication de papier et de bois de construction. Le recul de la forêt est le fruit d’un processus précis : on construit des routes pour accéder aux endroits reculés, on extrait ensuite le bois, faisant place aux plantations d’huile de palme. Il semble que les basses terres ne soient pas les seules à faire l’objet d’un tel processus puisque l’étude indique que des forêts de montagne sont aujourd’hui également exploitées et transformées en plantations.
Crédits : Université du Massachusetts/Gaveau DLA, Sloan S, Molidena E, Yaen H, Sheil D, Abram NK, et al.Voici une carte de Bornéo. La forêt (vert foncé) et les zones sans forêt (blanc) en 1973, et les nuages résiduels (cyan) sur la carte A. Zones de forêt perdue entre 1973 et 2010 (rouge) sur la carte B. Les routes principales pour l’exploitation forestière entre 1973 et 2010 (lignes jaunes) sur la carte C. La forêt encore intacte (vert foncé), la forêt exploitée restante (vert clair), et les plantations industrielles de palmiers à huile et d’arbres destinés au bois d’œuvre (noir) en 2010 sur la carte D. Cartes et légendes réalisées par les auteurs.
Pas moins de 271 819 km de routes traversant la foret ont été construites en 40 ans, soit une distance équivalente à 58 voyages entre New York et San Francisco.
Il y a 50 ans, l’île de Bornéo était considérée comme un havre de paix faisant cohabiter des tribus nomades et des populations conséquentes d’orangs-outans, d’éléphants pygmées et de rhinocéros. Aujourd’hui, les tribus ont perdu leurs traditions et les animaux cités sont tous menacés d’extinction.
Les auteurs de l’étude préconisent une forte limitation de la transformation des forêts primaires en plantations de palmiers à huile. Ils estiment indispensable la mise en place de systèmes d’évaluation quant au rôle occupé par la forêt, à propos de l’emprisonnement du carbone ainsi que de « la valeur économique potentielle plus traditionnelle du bois et autres produits de la forêt. » Les chercheurs encouragent également la création de nouveaux parcs naturels tout en reliant les zones déjà protégées au centre de l’île.
Un projet de barrage sur l’île de Bornéo a été récemment validé par le gouvernement malaisien. Cette construction causera l’exil de près de 20 000 personnes appartenant aux tribus, et ce, sans compensation de quelque ordre que ce soit. La Malaisie désire dynamiser, par de nombreuses installations hydroélectriques (centrales), l’état du Sarawak, très riche en ressources naturelles bien qu’étant un des états malaisiens où la population est la plus pauvre.
Sources : Plos One – Mongabay – 20 Minutes
– Illustration principale : Voici une évolution de la forêt tropicale humide dans la province indonésienne du Kalimantan occidental entre 1973 et 2010. Crédits : Université du Massachusetts/Gaveau DLA, Sloan S, Molidena E, Yaen H, Sheil D, Abram NK, et al.