Sera-t-il un jour interdit de consommer de la viande ? Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de l’association L214, c’est une évidence. Comment l’actuel pire cauchemar des abattoirs français dessine-t-il l’avenir de nos modes de consommation alimentaire ?
Brigitte Gothière est à la base de la création de l’association L214 qui mène une véritable croisade contre les abattoirs français depuis de longs mois. Son combat, la militante le mène à grand renfort de vidéos destinées à sensibiliser ou plus précisément à choquer le grand public. Son dernier fait d’armes ? La dénonciation de l’abattoir de Houdan (Yvelines) responsable de souffrances jugées inutiles sur des porcs destinés à l’industrie dans une vidéo visible en fin d’article.
« Quand on montre une vidéo où l’on voit des cochons souffrir et être maltraités, si les gens réagissent c’est que l’opinion change, petit à petit. Ce n’est pas comme si on avait montré les souffrances de pommes de terre et avec quelle violence on les écrase pour en faire de la purée. Là, que l’on mange de la viande ou non, les images sont horribles, donc ça fait réfléchir et à terme ça peut faire changer certaines habitudes de consommation. »
La militante française est persuadée que l’alimentation entrera dans le cadre du développement durable et épargnera les animaux en termes de souffrance. Pour aller plus loin, il s’agit tout de même de ne plus tuer d’animaux pour se nourrir. Pourquoi pas, mais le mouvement Vegan ultra minoritaire ne semble pas évoluer vers une telle révolution. Cependant Brigitte Gothière estime que l’association L214 et les vidéos tournées clandestinement commencent à faire effet.
Sans aller vers un changement radical de nos modes de consommation alimentaire, une éventuelle issue vers un régime Vegan ne se fera pas en un jour. S’orienter vers des produits plus responsables apparaît comme une évolution plus plausible sans pour autant arrêter la consommation de viande. Il s’avère également que le plaisir gustatif auquel contribue largement la viande ne tentera pas une majorité de personnes pour ce qui est d’un arrêt total de sa consommation.
« Avec L214 on a réussi à faire en sorte que les gens achètent un peu moins de poulets issus d’élevages industriels en batterie ou que des grandes enseignes de distribution ne vendent plus d’œufs issus de poules en cage. Évidemment, nous on ne peut pas se contenter de ça, puisque notre objectif est que l’on ne consomme plus du tout de viande ou de produits issus d’animaux. Mais si les animaux souffrent moins, c’est déjà ça », indique la militante.
Si les vidéos de L214 sont volontairement tournées vers le scandale pour choquer les consommateurs, Brigitte Gothière explique vouloir montrer au grand public d’autres aspects des impacts de l’industrie intensive de la viande tels que l’environnement, la santé publique ou encore l’économie. L’intéressée évoque par exemple le gavage des animaux avec des « antibiotiques qui se retrouvent dans la nature et génèrent de l’antibiorésistance, y compris chez les humains. Et la plupart des agents pathogènes, dont les cancers, viennent de notre consommation de viande ».
Alors que la FAO indique que près de 70 % des terres cultivées servent à nourrir les animaux d’élevage (plutôt que les hommes), cela n’est évidemment pas viable environnementalement parlant, sans parler du gaspillage terrible de la ressource d’eau.
Le paradoxe est pourtant présent. Nous utilisons la plupart de nos récoltes pour nourrir les cheptels, mais même dans le cas où l’on changerait cette organisation pour se tourner vers le « tout vert », la question de la valeur nutritive des végétaux se pose. Par exemple, pour retrouver l’apport nutritif d’une pomme des années 1950, il faudrait en manger une centaine aujourd’hui. Cette situation résulte de diverses dérives liées à une sélection très restreinte (standardisée) de semences (OGM ou non) conjuguée à un mode de culture openfield (monoculture sur d’énormes parcelles) nécessitant l’usage intensif de produits chimiques (pesticides, fongicides, herbicides) pour préserver la production en termes de quantité (et d’aspect visuel), et ce, au prix de la qualité nutritive.
Au-delà de la question éthique de la souffrance animale liée à la consommation de viande et l’égoïsme humain en rapport à son plaisir gustatif, les notions évoquées ci-avant impliqueraient de changer intégralement l’organisation de la filière agricole en partant du découpage des champs jusqu’à la façon de cultiver et pour ce qui est de l’élevage, revenir à un mode extensif (plein air, pâturages) est-ce réellement une utopie ?
Sources : Motherboard – L’Obs – FAO