Japon : du sexe virtuel ou rien !

Le Japon est le pays le plus éloigné du monde occidental. Leurs codes sociaux, différents des nôtres, le sont notamment au niveau de la conception du couple et des relations sexuelles. En déclin démographique, le Japon peine à rétablir le contact entre hommes et femmes.

Perte de population… et de passion !

Au pays du soleil levant, presque un tiers de la population n’aurait aucune relation sexuelle. Les « pratiquants » sont parmi les moins actifs du monde, et le Japon se place en dernière position (si l’on ignore la Principauté de Monaco) du classement mondial du taux de natalité (8,07 enfants pour 1000 femmes en 2014). En 2050, le Japon pourrait perdre 35 millions d’habitants sur les 127 millions actuels. En effet, le Japon, pays champion du monde de l’abstinence sexuelle, n’est plus capable d’assurer le renouvellement des générations, accusant à la fois une perte de population, mais également un vieillissement de celle-ci. 40% des célibataires ne souhaitent pas de relations amoureuses et 40% des couples déclarent ne plus avoir de relations sexuelles après la naissance de leur premier enfant.

Ces couples qui changent leur fonctionnement, la plupart du temps au bout de la première année, portent un nom : les couples sexless. L’Institut national de sexologie japonais définit le terme sexless, comme qualifiant des couples dont la fréquence des rapports sexuels ne dépassent pas une fois par mois. 37% des Japonaises se considèrent sexless mais il y en aurait beaucoup plus, car une partie d’entre elles ne se définit pas en tant que tel alors qu’elles ont des rapports tous les trimestres, ou une fois par an seulement.

Un nom est associé à ce type de couple : Mayumi Futamatsu, psychologue recevant des femmes faisant partie d’un couple sexless désirant faire part de leur malheur. Star des médias nippons, elle a également écrit La chambre d’à côté, un ouvrage publié en 2004, évoquant le quotidien d’un couple sans aucune relation conjugale.

Les couples sexless semblent le devenir par le biais d’une routine arrivée prématurément, une lassitude vécue dans le silence, comme si une étape venait d’être franchie et qu’il faille passer à autre chose. Ainsi, faire l’amour avec son partenaire ne durerait qu’un temps réduit avant l’installation d’une routine qui peut durer des décennies.

Une industrie pornographie très présente

L’industrie pornographique japonaise est parmi les plus florissantes du monde, à tel point qu’elle représenterait 1% du PIB national japonais. On compte plus de 500 videobox à Tokyo, ces cabines individuelles où des hommes s’isolent pour s’adonner à leur plaisir devant des films. Les films X ont du succès, mais également les Hentai, ces dessins animés ou mangas pornographiques. En effet, le virtuel se mélange assez avec la réalité, à tel point que certains ne font plus vraiment la différence.

« Ni pénibles, ni compliquées… »

Les Love Dolls ont la côte au Japon, ces poupées à taille humaine très malléables et flexibles, un véritable substitut de femme allant jusqu’à s’approcher de la réalité. En effet, fabriquées en silicone, ces poupées pèsent généralement 25kg et les concepteurs leur prévoient dans le futur des fonctions vocales. Également au programme : des robots d’amour, un peu comme dans le film A.I. Intelligence artificielle (Gigolo Joe, incarné par Jude Law).

Quant aux femmes, pour une partie d’entre elles du moins, elles ressemblent à des poupées : les Otakus, dont l’apparence se rapproche de personnages de mangas, animes, ou des jeux vidéos. Elles se déguisent et veulent à tout prix être sexy, une frontière entre fille, femme, et poupée parfois difficile à cerner.

Des hommes indifférents

Les hommes japonais disent souvent être « fatigués » (à l’idée de faire jouir leur partenaire), genre de déclaration à mettre en lien avec une charge de travail excessive ? Peut-être, mais dans ce cas, pourquoi une partie d’entre eux cherchent tout de même à avoir du plaisir par voie sexuelle ?

« Éjaculer, c’est suffisant »

Une tendance générale touche une partie des hommes : ils ne veulent pas se soucier du plaisir de leur partenaire. Ils recherchent le plaisir personnel, sans effort, une jouissance incarnée par l’éjaculation, et l’éjaculation seulement ! En effet, il semble que ce ne soit pas le sexe qui ait disparu, mais bel et bien la relation, le partage.

Ainsi, les videobox et autres Love Dolls font partie des activités personnelles de ces hommes, auxquelles il faut ajouter les salons offrant des massages érotiques, ainsi qu’un choix d’objets toujours plus varié dans les sex shops, dont un en particulier : le Tenga. Il s’agit d’un objet de masturbation, un genre de tube contenant du gel où il est possible de simuler l’acte sexuel. Une recherche de sensation évidemment étudiée pour les solitaires. Voici le Tenga version œuf !

« I love Me »

Mais au-delà des couples sexless, se développe toute une génération de jeunes hommes qui fuient les femmes et toute perspective de projets relatifs à la fondation d’un couple puis d’une famille, conception jugée vieux jeu. Ces hommes sont appelés les herbivores, une appellation rappelant le végétarisme, en contradiction avec la chair, et ici, le plaisir de la chair. Ces jeunes hommes prennent soin de leur apparence, ils sont métrosexuels. La plupart du temps, ces herbivores ne fréquentent pas les établissements liés au plaisir sexuel, et bien qu’ils soient égoïstes au niveau de leur conception de l’amour, ils n’ont généralement pas beaucoup d’ambition professionnelle et sont plutôt bienveillants à l’égard de leurs compatriotes.

« On peut tout faire tout seul »

S’enfermer dans la solitude pour ne pas avoir à s’encombrer de choses considérées comme « obligatoires » pour eux, telle est la réponse des hommes au Japon face à une gente féminine tout aussi perdue. Le gouvernement japonais a même édité un manuel pour réapprendre aux Japonais à se parler. Des commerces étranges ont fleuri, comme les cafés-chat par exemple.

Les moyens de communication omniprésents, l’utilisation intensive d’internet, et le confort matériel rendent les Japonais moins motivés pour avoir de vraies relations, qui sont la plupart du temps virtuelles et/ou strictement personnelles. Beaucoup de personnes vivent seules au Japon, et le manque de motivation se joint à la peur d’être blessé pour constituer la première barrière à briser entre un homme et une femme.

Voici le documentaire en français L’empire des sans (KAMI productions et France Télévisions) sorti en 2013 :

Sources : L’empire des sans – Nippon Connection – Les Inrocks – Le Monde – Statistiques Mondiales