COP21 : ce qu’il faut retenir de l’accord de Paris

Après deux semaines d’âpres négociations, les pays ont, pour la première fois de l’histoire, conclu un accord universel sur le climat. Cet accord engage les 195 nations, plus l’Union européenne, réunies au Bourget pour la COP21 à limiter le réchauffement climatique « bien en deçà des 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle et à poursuivre leurs efforts pour limiter la hausse des températures moyennes à 1,5 °C ».

Le magazine The Conversation a demandé à ses contributeurs-experts de réagir à cet accord historique.

Clive Hamilton, Professeur d’éthique, Université Charles Stuart (Australie)

Vingt-trois années après la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les États du monde se sont enfin décidés à agir. L’accord de Paris marque ainsi un tournant et une réussite à de multiples niveaux, une réussite encore impensable il y a seulement quelques années.

Nous savions en venant à la COP21 que les objectifs de l’accord sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) seraient bien en deçà de ce que la science nous engage à faire pour éviter les effets dévastateurs du changement climatique. Nous nous dirigeons vers une situation où la Terre connaîtra des températures moyennes plus chaudes de trois degrés, voire plus. Et c’est bien ce qu’il nous faut éviter à tout prix.

En amont de la conférence de Paris, les différentes Parties de la COP avaient rendu publics leurs engagements pour les 10-15 ans à venir. Ce qui était en jeu pour cette conférence portait sur la façon dont l’accord final intégrerait les nouvelles situations des différents pays, consoliderait les avancées et définirait un dispositif permettant de réduire drastiquement les émissions de GES pour les dix ou vingt prochaines années.

Vu sous cet angle, l’accord de Paris répond aux attentes. Il y a encore deux ou trois ans, la seule évocation d’une nécessité de « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5 degré » était proprement inimaginable. Si le texte n’indique plus d’objectifs chiffrés globaux concernant la réduction des émissions de GES, la mention de viser « un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre dès que possible » témoigne néanmoins d’une nouvelle urgence.

Il reste désormais à voir comment le monde, économique tout particulièrement, va réagir à ce signal extrêmement fort lancé à la COP21, qui a pris acte du fait que nous sommes entrés dans une nouvelle ère.

Un accord foncièrement innovant

Yves Petit, Professeur de droit public, Université de Lorraine

Plusieurs points contenus dans l’accord de Paris font clairement ressortir qu’il comporte plusieurs innovations. Le point V « Entités non parties » (pts 134-137) de la décision de la COP se félicite des efforts en faveur du changement climatique entrepris par la société civile, le secteur privé, les institutions financières, ainsi que les « villes et autres autorités infranationales ». Les acteurs non-étatiques et leurs réseaux réclamaient à juste titre que leur action et leur rôle dans ce domaine soient pris en compte. C’est chose faite. Il est également question, même si on pouvait attendre davantage sur ce point, des incitations en terme de réduction des émissions d’outils « tels que les politiques nationales et la tarification du carbone », un prix mondial du carbone étant réclamé par de nombreux économistes.

Le préambule de l’accord de Paris prend acte du fait que le changement climatique menace la sécurité alimentaire mondiale et demande de « veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes », dont les océans dont on sait le rôle capital dans le système climatique. Il relève encore l’importance de la « justice climatique » pour certaines cultures. On doit constater qu’à ce titre, si le principe des responsabilités communes, mais différenciées irrigue toujours profondément l’accord de Paris, celui-ci distingue par exemple dans son article 4 les « pays développés parties », les « pays en développement parties » et les « pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement ». L’idée de différenciation a donc progressé ; elle demeure toutefois un sujet hypersensible. Le clivage Nord/Sud est loin d’être aplani.

De toute manière, l’accord de Paris n’est qu’une étape d’un processus continu de lutte contre le réchauffement du climat. Mais une étape historique à n’en pas douter.

Le volet financier

Anne-Sophie Tabau, Professeur de droit public, Université de la Réunion

Le soutien financier des pays en développement dans la lutte contre les changements climatiques aura constitué une pomme de discorde jusqu’aux dernières heures de négociation. Le compromis établi par l’accord de Paris favorise la position des pays émergents dans ce débat, sans doute en contrepartie des concessions accordées par ces derniers s’agissant de leurs contributions nationales à l’effort d’atténuation.

À la question de savoir qui doit payer, le texte répond : les pays développés. Les autres Parties sont seulement encouragées à participer à cet effort sur une base volontaire. Le maintien de la division binaire traditionnelle entre pays développés et pays en développement apparaît également s’agissant de la communication de l’information démontrant le respect des promesses de financement.

Le montant plancher de ce soutien financier, fixé à partir de l’objectif collectif de Copenhague de 100 milliards de dollars par an, a disparu du texte de l’accord de Paris, pour n’être mentionné que dans la décision de la Conférence des Parties. Sur ce point, la lecture combinée de l’accord et de la décision est importante. En effet, si le principe d’une progression du soutien financier par rapport aux efforts antérieurs apparaît bien dans l’accord de Paris (art. 9-3), cette mention doit être relativisée au regard du paragraphe 54 de la décision, qui prévoit simplement la continuation de l’engagement collectif actuel jusqu’en 2025.

L’augmentation du soutien financier constituait une revendication forte de l’Afrique, qui repart de la COP21 avec peu de certitudes à cet égard, mais tout de même l’espoir que l’exercice d’évaluation périodique permette de relever le niveau d’ambition du soutien financier. De manière plus précise, la décision prévoit que la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’accord de Paris devra fixer, avant 2025, un nouvel engagement collectif chiffré de soutien financier, allant au-delà des 100 milliards de dollars par an et tenant compte des besoins et priorités des pays en développement. De même, la mention d’une affectation équilibrée du soutien financier entre l’atténuation et l’adaptation, bien que la décision ne soit pas dépourvue d’ambiguïté sur ce point pour la période 2020-2025, ainsi que la reconnaissance de l’importance des financements sous forme de dons, reflètent tout de même une prise en compte des revendications des pays pauvres les plus vulnérables, mais aussi les moins responsables des changements climatiques.

Des limites

Christophe Buffet, Docteur en relations internationales, EHESS

L’accord de Paris suscite des réactions généralement positives. Au-delà des éléments qui constituent effectivement des avancées, il reste important d’en pointer les limites. Le texte n’a pu, en effet, être signé qu’en transformant nombre de contentieux en formules suffisamment floues pour être acceptables et consensuelles.

L’un des sujets épineux concerne le financement de l’adaptation en direction des pays les moins avancés et des petits États insulaires – considérés comme à la fois les moins responsables du changement climatique et les plus vulnérables à ses impacts. Un mécanisme pour abonder le Fonds vert pour le climat était attendu à Paris, afin de rendre son financement pérenne et prédictible, à hauteur des 100 milliards de dollars par an évoqués à Copenhague en 2009. Ce mécanisme est malheureusement absent du texte, remplacé par un nouvel objectif de financement à décider d’ici à 2025. Pour celui-ci, le montant de 100 milliards de dollars serait considéré comme un « plancher ».

Cette annonce suscite des doutes : l’un des sujets de contentieux lors de la COP21 était précisément les méthodologies adoptées pour comptabiliser les flux de financement. L’Inde, notamment, a contesté le chiffre de 62 milliards de dollars qu’un rapport de l’OCDE avançait comme niveau actuel de financement.

L’un des apports de l’accord de Paris est donc de charger un organe de la Convention climat (le SBSTA) d’établir, d’ici à la COP24 en 2018, une méthodologie permettant d’assurer plus de transparence dans ces financements. En effet, leurs comptabilisations n’étaient jusqu’ici fondées que sur la déclaration des pays développés eux-mêmes, avec chacun leurs critères propres. Or, si le SBSTA s’oriente vers une méthodologie rigoureuse pour éviter certains des biais actuels (doubles-comptages, comptabilisation totale des prêts, etc.), les montants annoncés actuellement risquent d’en être considérablement réduits. Dans ce cas, l’engagement de l’accord de Paris sur un nouvel objectif supérieur à 100 milliards de dollars après 2025 est d’ores et déjà peu crédible.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.