Voici l’histoire d’un incroyable concert d’orgue étalé sur plusieurs siècles dans une contrée reculée d’Allemagne. En 2640, ce concert d’orgue débuté en 2001 s’arrêtera enfin.
« La première fois que j’en ai entendu parler, j’ai trouvé cette idée complètement débile, vraiment. Puis, j’ai commencé à voir les choses autrement. Si tu penses en terme d’harmonie, tu te plantes. Il faut voir ça comme… Je ne sais pas trop en fait » s’amuse Ludwig, jeune skateur à la base attiré par le Hip-Hop.
« Cette idée » n’est autre que l’Organ2/ASLSP, plus communément appelé John Cage Organ Project. Il s’agit d’une œuvre atypique créée par le compositeur John Cage, également philosophe, poète, ou encore plasticien. Il aurait composé différentes pièces, par exemple « 4:33 » (en 1952), dont la durée est de…4 minutes et 33 secondes !
Cet Organ²/ASLSP sera imaginé en 1987, soit cinq ans avant sa mort. Il s’agit en réalité d’une partition pour orgue conçue pour durer entre vingt et trente minutes selon le bon vouloir de l’artiste. Cependant, le compositeur a finalement décidé d’ignorer le tempo et la durée de jeu. En effet, selon lui, il fallait simplement jouer « aussi lentement que possible » (As Slow as Possible).
Le « show » se joue actuellement à l’église St. Burchardi d’Halberstadt, une ville de 40.000 habitants située à mi-distance entre les villes d’Hanovre et de Leipzig. Débutée le 5 septembre 2001, cette « performance live » continue sans interruption depuis et devrait s’arrêter le 5 septembre 2640, après 639 ans.
« Je me suis toujours intéressé à la musique et à l’art moderne. J’ai découvert l’œuvre de John Cage dans les années 70. Pour moi, il est moins un musicien qu’un héritier du Dadaïsme. L’idée d’une performance live de Organ²/ASLSP est née en 1998 à la Trossingen University Of Music. Je suis impliqué depuis le tout début du projet, et mon travail consiste entre autres à superviser les changements d’accords » explique Rainer Neugebauer, président du conseil des administrateurs de la John Cage Organ Foundation d’Halberstadt.
Pas de travail à temps plein ! En effet, le prochain changement d’accord aura lieu en 2020, il y a donc le temps de voir venir. Une petite précision est néanmoins à apporter : personne n’est assis en permanence derrière l’orgue pour jouer la mélodie. Tout n’est que calcul d’un tempo ralenti. Par exemple, l’œuvre de John Cage commence par un silence, et en Allemagne, ce silence s’est transformé en deux années de… rien. Le concert a donc débuté en 2001, la première note s’est jouée le 5 février 2003 et le premier accord le 5 juillet 2004. Le tout dernier changement d’accord a eu lieu le 5 octobre 2013 et le prochain se fera le 5 septembre 2020 (l’œuvre démarra pour les 85 ans de John Cage, né le 5 septembre 1912).
« Un membre de l’association est chargé de poser de petits sacs de sable sur le mécanisme des touches, pour qu’elles résonnent à l’infini, nous explique Rainer. Les sacs doivent être posés à un moment très précis, pour suivre la partition » explique Rainer Neugebauer à propos du processus de changement d’accord.
Le concert est bien entendu sous contrôle et l’installation est sécurisée par un générateur de secours. Quoi qu’il en soit, l’œuvre se déroule sans accroc depuis une quinzaine d’années, ou presque :
« Au tout début, nous avons été trop impatients, et nous avons donc commis une erreur de calcul. Notre musique était trop rapide de onze mois. Nous avons donc ajouté onze mois au plus long accord, celui qui a commencé en octobre 2013 » indique le président du conseil des administrateurs de la John Cage Organ Foundation.
Voici une vidéo témoignant de la lenteur de la performance :
Sources : Tsugi – HuffingtonPost
- Illustration principale : DR