Actuellement, la série TV sud-coréenne Squid Game fait un tabac. Il faut dire que le programme dépeint la société de ce pays d’une façon qui semble parler à la jeunesse. Or, cette série arrive à un moment où la Corée du Sud fait face à une querelle générationnelle, et plus généralement, à une lutte des classes.
Des œuvres trop réalistes ?
Squid Game est une série de neuf épisodes dont le concept a surpris à la fois le public et les critiques. L’histoire démarre avec 456 personnes vivant à Séoul (Corée du Sud) fortement endettées et invitées à participer à des jeux d’enfants traditionnels. Seulement voilà, l’issue de ces jeux est mortelle pour les perdants, alors que les gagnants se voient promettre une somme d’argent astronomique. Cette série illustre au final le désespoir de certaines couches modestes de la société sud-coréenne, tout comme l’avait fait le film Parasite (2019) avant elle.
Dans un article du 22 octobre 2021, Bloomberg évoquait une querelle générationnelle en donnant l’exemple du marché central de la capitale Séoul. Les boutiques bon marché et la cuisine de rue qui sont très appréciées des retraités laissent petit à petit place à des jeunes hipsters fréquentant des cafés et autres restaurants chics. Ce contraste est évidemment saisissant et chacune des parties a son mot à dire.
En outre, pour les anciens, certains jeunes sont relativement aisés en partie grâce aux travailleurs ayant participé à l’essor du pays après la Guerre de Corée (1950-1953). Du côté des jeunes, nombreux sont ceux qui pensent que l’accès à la propriété et au marché du travail sont aussi difficiles que ce qu’il est donné à voir dans Squid Game et Parasite.
Une société très inégalitaire
La querelle générationnelle cache en réalité un désespoir du prolétariat sud-coréen dans son ensemble. Si la Corée du Sud a la réputation d’être un pays très moderne avec une économie florissante, les deux œuvres cinématographiques décrivent pourtant une société très inégalitaire, dans laquelle les pauvres n’ont d’autre recours que le mensonge et les actes de délinquance pour survivre. Ces inégalités et les conditions de travail particulièrement difficiles ont d’ailleurs amené des milliers de syndicalistes à manifester à Séoul le 20 octobre 2021. D’ailleurs, certains de ces manifestants arboraient les déguisements typiques des personnages de Squid Game.
Il faut dire que le taux de pauvreté en Corée du Sud est de 16,7 %, soit le quatrième plus haut de toute l’OCDE, derrière des pays tels que le Costa Rica, les États-Unis, la Roumanie ainsi qu’Israël. De plus, la différence de salaire médian entre un homme et une femme en Corée du Sud est de 32,5 %, et il s’agit là du taux le plus haut de l’OCDE.
Les inégalités s’expliquent aussi par le fait que l’aire urbaine de la capitale Séoul concentre 50 % de la population de tout le pays. Les loyers ont doublé entre 2015 et 2020 et ont donc augmenté bien plus rapidement que les salaires. Les jeunes font face à un marché du travail de plus en plus fermé et une accession à la propriété quasiment impossible. Les élections présidentielles de mars 2022 pourraient toutefois permettre de voir une lumière au bout du tunnel. En effet, la gauche démocrate soutenue par les jeunes a de grandes chances de battre la droite conservatrice.