Décès de Michèle Rivasi, égérie anti-lobbies

Crédits : Yann Forget / Wikimedia
Michèle Rivasi, députée européenne (Verts/ALE), est décédée d’une crise cardiaque mercredi 29 novembre 2023. Son décès soudain est un choc, y compris chez ses adversaires politiques. Elle était devenue, en France et à Bruxelles, le symbole de la lutte contre les lobbies, contre les compromissions, les scandales politico-financiers qui touchent la Commission européennes. Ses combats contre les mensonges sur le nuage de Tchernobyl, sur les pesticides, sur le Covid et l’affaire dite des SMS entre Ursula von der Leyen et Pfizer resteront emblématiques. Depuis deux ans, elle s’était attaquée au lobby du tabac, en mettant en évidence un conflit d’intérêts sur le système européen de traçabilité des produits du tabac.

Une mobilisation politique née dans le sillage de Tchernobyl

Depuis l’annonce de son décès soudain, les hommages sont unanimes, même chez ses adversaires politiques. De la Présidente du Parlement européen Roberta Metsola à Marion Aubry et Younous Omarjee (GUE/NGL), en passant par les Renew Frédérique Ries, Pascal Canfin, Stéphane Séjourné ou Nathalie Colin-Oesterlé (LR/PPE), tous ont souligné la force de ses engagements, et l’utilité de ses combats. Michèle Rivasi est née à Montélimar, et c’est la Drôme qui a été le théâtre de son premier combat environnemental, celui de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, et de son nuage qui, selon le gouvernement d’alors, s’était arrêté frontière française. Forte de son combat, Michèle Rivasi sera élue en 1997 députée apparentée PS.
En 2009, elle est élue députée européenne, sur la liste des écologistes qu’elle a rejointe en 2005. C’est au sein du Parlement européen qu’elle va mener ses combats les plus marquants contre les lobbies de l’industrie nucléaire, agroalimentaire, pharmaceutique, ou encore du tabac, et contre le manque de transparence de la Commission européenne. Elle n’hésite pas à s’attaquer frontalement à la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sur le scandale de ses échanges de SMS avec le PDG de Pfizer relatifs aux commandes de vaccin anti-Covid, ou à l’opacité de la reconduction pour 10 ans de l’autorisation du glyphosate. « Si la Commission européenne favorise les lobbys au détriment de la santé des citoyens européens, j’ai des doutes quant à la viabilité future de l’Europe » affirmait-elle à ce sujet le 5 octobre dernier. Défense des citoyens et de l’idéal européen, éthique et transparence, santé publique…, les engagements de Michèle Rivasi étaient ainsi résumés.

Un combat puissant contre le lobby du tabac

Fin 2020, Michèle Rivasi avait repris la tête du groupe de travail parlementaire sur l’industrie du tabac, à la demande de son créateur Cristian Busoï (PPE). Avec ses collègues Anne-Sophie Pelletier (GUE/NGL) et Pierre Larrouturou (S&D), elle conduisait ce travail d’investigation et de propositions avec méthode et détermination : organisation de tables rondes thématiques sur le commerce parallèle de tabac, sur la stratégie d’influence du lobby du tabac, sur les nouveaux produits du tabac, avec des représentants de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), des associations de santé publique comme Smoke Free Partnership (SFP) ou Alliance Contre le Tabac (ACT) et des experts indépendants de l’Université de Bath. Toujours opiniâtre, elle avait mis à jour et médiatisé, dans Le Canard Enchainé du 30 novembre 2022, ce qu’elle avait appelé l’Affaire Dentsu Tracking / Jan Hoffmann, un conflit d’intérêts qui entache l’élaboration du système européen de traçabilité européen des produits du tabac, qui implique l’industrie du tabac, Dentsu Tracking et des membres de la DG SANTE.
Dans les tables rondes, elle n’hésitait pas à évoquer ses soupçons de corruption, et de sa volonté de saisir la justice. « Les conflits d’intérêts, le pantouflage, la corruption… Les scandales se multiplient et entachent les institutions européennes. Il est urgent qu’un organe d’éthique indépendant et fort soit créé ! » s’indignait-elle le 14 février 2023 à la tribune du Parlement européen. Lors de la dernière table ronde qu’elle a animée sur les « coûts cachés du tabac », le 4 octobre dernier, elle annonçait la publication d’un Livre blanc sur le tabac, qui devait conclure ces deux ans de travaux et formuler des propositions.