Environnement : les villes de demain seront-elles en bois ?

bâtiment en bois
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Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et répondre aux objectifs de développement durable, les villes misent sur les constructions en bois : à Paris, Lyon ou Bordeaux, dans quelle mesure le bois peut-il devenir un élément central de l’urbanisme de demain ?

La ville est-elle compatible avec un avenir soutenable pour l’humanité et la planète ? Il est possible d’en douter, tant les métropoles concentrent d’arguments en leur défaveur quand il s’agit d’examiner leur contribution au changement climatique et à d’autres fléaux menaçant le vivant : pollution, chauffage/climatisation, transports, artificialisation des sols, bruit, pollution lumineuse, industries, etc. Les villes françaises sont directement responsables de 67% des émissions de gaz à effet de serre du pays, une proportion qui grimpe même à 70% au niveau mondial. Peut-on, pour autant, parler d’une forme de fatalité urbaine ? Pas vraiment, si l’on en croit un rapport du réseau mondial des grandes villes, selon lequel les métropoles seraient à même de réduire de 90% leurs émissions de GES d’ici à 2050.

Autrement dit, si les villes polluent beaucoup, elles peuvent aussi s’améliorer et prendre leur part à la transition écologique. D’innombrables leviers sont à disposition : mobilités et transports, cantines scolaires, affectation des espaces urbains, etc. Sans oublier – parce qu’une ville, ce sont d’abord des maisons et des immeubles – la question du logement dans son ensemble. Avec 43% des consommations énergétiques annuelles et 23% des émissions de GES françaises, le secteur de la construction et du BTP représente un inévitable levier de décarbonation. Paris ne s’y est pas trompée, elle qui accueillera bientôt les prochains Jeux Olympiques d’été, qui ambitionnent de devenir « le premier événement sportif mondial à contribution positive pour le climat », en misant notamment sur les infrastructures existantes et sur un panel de solutions (numériques, électriques, etc.) bas carbone.

La capitale et les autorités olympiques ont, dans cette perspective, choisi de faire construire tout ou partie de certains équipements sportifs en bois : village des athlètes, centre aquatique, Grand Palais éphémère, etc. Un vaste programme baptisé « France Bois 2024 » a pour cela été conçu en étroite collaboration avec la filière bois-forêt. D’autres villes emboîtent le pas à Paris et choisissent le bois pour ses propriétés décarbonantes. Une démarche qui pourrait porter ses fruits car d’après une étude menée par le cabinet de conseil Carbone 4, quelque 3,1 millions de tonnes de CO2 pourraient être économisées chaque année si l’on assistait, d’ici à 2030, à un triplement de la construction bois en France. Et si l’avenir à long terme de la ville passait par… les forêts, leurs arbres et leur bois ?

construction avec façade en bois
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Vers l’âge des tours en bois ?

D’après l’ONU, en 2050  les deux tiers (68%) des êtres humains vivront en ville, contre à peine plus d’un sur deux (55%) aujourd’hui. Soit une population urbaine globale de 6,7 milliards de personnes, contre 751 millions seulement un siècle plus tôt. Bien loin des clichés autour d’un prétendu retour à la campagne, l’attraction de la ville n’a jamais été aussi forte que de nos jours, particulièrement sur les continents asiatique et africain, où les mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants ne seront plus l’exception mais la règle. Dans ce contexte, « l’architecture se doit de répondre aux attentes du  »développement durable » », tranche la chercheuse Claire Fonticelli, de l’Ecole nationale supérieure de paysage, « et pour cela la densification est identifiée comme un élément clé ». Densifier au lieu de s’étendre toujours plus vers la périphérie, c’est-à-dire construire sur l’existant, construire haut, et construire durablement.

Autant de cases que coche, précisément, le bois. Inhabituelles dans le paysage urbain, les tours en bois commencent à pousser ça et là. Comme à Bordeaux où, près de la gare, s’élève désormais la tour Hypérion, la plus haute tour résidentielle en bois de France : du haut de ses 55 mètres, la tour a nécessité 1 400 mètres de cubes de bois et propose plusieurs logements répartis sur une quinzaine d’étages. Un tour de force esthétique, technique et surtout écologique, la tour Hypérion émettant, du fait de sa construction en bois, presque moitié moins (45%) de GES qu’une structure équivalente traditionnelle. De plus, le bois utilisé à Bordeaux est issu de circuits courts, les pins Douglas utilisés pour la construction provenant majoritairement de la région Nouvelle-Aquitaine. Un atout supplémentaire, car ce bois français fait vivre toute une économie locale – la filière bois représente en effet pas moins de 394 000 emplois directs dans le pays.

Le mix bois-béton, un combo gagnant

Beaucoup de constructeurs, comme à Bordeaux, où la tour Hypérion a les « pieds dans l’eau » de la Garonne, misent sur un mix béton-bois : les fondations et les espaces de circulation sont le plus souvent en béton, gage de stabilité et de résistance aux intempéries, et le reste des bâtiments est en bois. Dans les Vosges aussi, le conseil départemental a fait le choix, pour le collège de la commune de Vagney, d’une innovante construction mixte bois-béton : bioclimatique, le bâtiment flambant neuf, d’un coût de 18 millions d’euros, offrira aux collégiens un cadre de vie agréable et confortable – et, ici encore, issu des forêts locales vosgiennes.

« Pour répondre aux attentes du maître d’ouvrage en matière de développement durable, la construction mixte en bois et béton s’est avérée être la meilleure option constructive pour atteindre les objectifs énergétiques et d’émission de carbone », explique l’architecte Khaldoun Sektaoui. Avec des performances énergétiques plus qu’intéressantes, car le bois isole de l’extérieur et permet de supprimer les ponts thermiques, et le béton évite, quant à lui, la propagation à l’intérieur de la chaleur estivale. Des principes également déclinés à Lyon, où dans le quartier de la Confluence est en train d’être construit un nouvel îlot d’immeubles en structure bois, doté d’une tour de 53 mètres de haut : comme s’en réjouit Jean-Laurens Berger, associé gérant chez Insolites Architectures Lyon, « construire en bois, c’est prendre le contre-pied par rapport à cette fatalité (du réchauffement climatique) car le bois piège le carbone ».