Des agences japonaises spécialisées dans la « location d’amis » proposent de la compagnie à la carte. Dans ce pays où la solitude touche une partie non négligeable de la population, ce service gagne en popularité.
Yoshi, un ingénieur-informaticien de 31 ans rejoint Asakura et Chiaki dans un karaoké tokyoïte. Les trois compères chantent ensemble toute une journée, mais font également du shopping, et ont de longues conversations personnelles. Quoi de plus normal ? Rien en apparence, mais le fait est que cette journée banale coutera à Yoshi une centaine d’euros. Ces amis, ils les a loués dans une des agences nippones spécialisées dans ce genre de services plutôt spéciaux. Yoshi explique :
« J’ai commencé à louer des amis il y a quatre mois parce que je voulais rassurer mon grand-père mourant en montrant que j’étais entouré d’amis. Depuis son décès, je continue à faire appel à leurs services, car c’est l’occasion pour moi de rencontrer des personnes différentes de celles de mon environnement professionnel. »
Environ 30 millions de personnes peuplent Tokyo, capitale japonaise, mais surtout mégalopole la plus peuplée du monde. Selon l’Institut de recherche nippon (NLI), les personnes vivant dans la solitude représenteront la norme de cette société, d’ici à 2020. Le phénomène plus redouté est le kodokushi, qui se traduit par la mort dans la solitude, par exemple lorsque des parents ne reçoivent finalement plus de visites de leurs enfants, ces derniers étant très souvent focalisés sur leur carrière professionnelle. Ce phénomène, représentant la hantise d’un bon nombre de Japonais et a été décrit pour la première fois en 1980.
Une de ces agences de location d’amis, Support One, fait également dans la location de membres de la famille, des substituts éphémères de père, mère, frères, sœurs, etc. Pour Megumi Furukawa âgée de 32 ans, fondatrice de Support One, l’idée lui est venue dans un cadre particulier :
« Avant de monter cette entreprise, je travaillais dans un salon de beauté et j’avais remarqué que les gens avaient besoin de parler. Beaucoup me confiaient qu’ils n’avaient pas d’amis, d’où l’idée de cette agence » explique-t-elle.
Ainsi, le but premier étant de rendre la solitude plus acceptable pour les clients, l’agence permet parfois à certaines personnes de sauver les apparences dans une société conservatrice plombée par une pression sociale difficile à supporter. Une de ces amies d’un jour, Haru, âgée de 39 ans, apporte une analyse pertinente :
« La conception de l’amitié est très différente entre le Japon et les États-Unis, où j’ai vécu pendant dix ans. Cette location permet à mes clients de s’échapper de cette société moutonnière, où tout le monde doit se ressembler et ne jamais montrer ses failles. Ces personnes manquent de confiance en elles et la pression sociale les rend particulièrement sensibles au jugement des autres ».
Se libérer, se sentir moins seul, se confier… autant de points importants qu’une amitié sincère apporte naturellement. Cependant, il semble que les responsabilités qu’engendre une réelle amitié feraient fuir certains Japonais, ces derniers préférant trouver une oreille attentive à leur propre personne plutôt qu’un réel échange basé sur un dialogue et une écoute réciproque.
Sources : Le Figaro — Tribune de Genève
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