Alors que le label d’étiquetage alimentaire promu par la France pourrait être abandonné par les autorités européennes, de multiples initiatives similaires germent dans tous les secteurs économiques : habillement, high tech, etc. Sans, bien souvent, éviter les mêmes écueils que ceux rencontrés par le Nutriscore : si le principe de départ semble consensuel, sa mise en œuvre opérationnelle se heurte à des difficultés presque insolubles.
Vers l’abandon du Nutriscore en France
Ce n’est pas encore un enterrement en bonne et due forme, mais cela en prend le chemin. D’après l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, l’Union européenne (UE) serait sur le point de renoncer à l’apposition du Nutriscore sur les produits alimentaires distribués dans les magasins de ses vingt-sept membres. Bruxelles devait initialement arrêter son choix sur un système d’étiquetage alimentaire commun avant la fin de l’année 2022, une date butoir qui a déjà été repoussée au printemps 2023. Le signe, parmi bien d’autres, que le label promu par la France et déjà adopté dans sept membres de l’UE, ne semblait pas faire consensus.
Un pas supplémentaire vient donc d’être franchi vers l’abandon du Nutriscore, si l’on en croit l’UFC-Que Choisir, qui rapporte les propos d’une fonctionnaire de la Commission européenne. Claire Bury, une responsable de la durabilité alimentaire au sein de l’exécutif européen, aurait ainsi annoncé à ses interlocuteurs que Bruxelles s’apprêterait à acter la fin du Nutriscore, du moins sous sa forme actuelle. Evoquant la « polarisation du débat » qui aurait suivi le déploiement du label, Mme Bury semble donc donner, en creux, raison aux nombreuses critiques essuyées par le Nutriscore depuis sa création : algorithme illisible, absence de prise en compte du degré de transformation des produits notés ou de la présence d’additifs, ou encore relégation en bas du classement de certains produits traditionnels.
Bientôt un « Nutriscore » sur les vêtements et les objets connectés ?
Paradoxalement, la fin annoncée du Nutriscore n’augure pas celle du principe d’un algorithme décidant, à la place du consommateur, de ce qui est bon pour lui ou pas. Avant d’être relégué dans les tiroirs, le label alimentaire a eu le temps d’essaimer ou, en quelque sorte, de faire des petits. Ainsi de ce « »Nutriscore » pour connaître le niveau de sécurité des appareils connectés », récemment annoncé par les autorités américaines. Une nouvelle exigence réglementaire promue par la Maison-Blanche, rien de moins, qui souhaite éviter que les objets connectés ne se retournent contre leurs possesseurs et usagers. Mais avant même d’être opérationnelle, l’idée se heurte déjà à l’opposition de ceux qui rappellent que la plupart des objets connectés ne sont pas produits aux Etats-Unis et qu’un label américain, en plus de s’ajouter à ceux en préparation en Europe ou en Asie, ne pourra jamais garantir qu’aucun malware n’a été subrepticement introduit dans tel ou tel composant monté en Chine.
Un Nutriscore sur les objets connectés, et pourquoi pas un autre sur les vêtements ? La Commission européenne, toujours elle, serait en train de phosphorer sur un futur label renseignant les fashionistas sur les caractéristiques de durabilité de telle ou telle pièce de vêtement. Objectif revendiqué : lutter contre les ravages de la fast fashion, qui demeure l’un des secteurs les plus polluants au monde. Comme le Nutriscore, cet éco-label noterait nos habits de A à E, en s’appuyant sur une méthodologie développée par une start-up nommée Glimpact. Non sans s’attirer, ici encore, les foudres de certains détracteurs, au premier rang desquels les associations de défense de l’environnement, qui redoutent un effet boomerang de la part de clients incités à sur-consommer. « Si on a déjà 40 t-shirts dans son armoire, il y aura toujours un impact environnemental à l’achat d’un t-shirt supplémentaire », met en garde Juliette Franquet, de Zero Waste France. Bref : le Nutriscore est mort, vive le Nutriscore…