Les drones : sentinelles des forĂȘts françaises

Feux de forĂȘts dĂ©vastateurs, prolifĂ©ration de maladies et de parasites, dĂ©pĂ©rissement endĂ©mique, vagues de chaleur… Les arbres des massifs français sont mis Ă  rude Ă©preuve par les changements climatiques. Affaiblis, ils remplissent de moins en moins bien leurs fonctions de stockage de carbone, de sauvegarde de la biodiversitĂ© ou encore de rĂ©tention des sols. Pour faire face Ă  ces menaces et prĂ©venir efficacement les risques, les forestiers français s’équipent d’outils high-tech comme les drones, dont les qualitĂ©s d’observation et de surveillance offrent un panel de solutions efficaces et innovantes.

Précis, peu chers et réactifs

« L’union fait la force » dit le proverbe. Surtout dans les situations de dĂ©tresse. La gravitĂ© des effets du rĂ©chauffement climatique a incitĂ© gestionnaires forestiers et scientifiques Ă  chercher ensemble les solutions optimales aux menaces. Jusque-lĂ , les forestiers surveillaient leurs massifs soit par des visites de terrains – nĂ©cessairement limitĂ©es quand il s’agit de grandes superficies –, soit par le recours Ă  l’imagerie satellitaire – ce qui sous-entend d’avoir Ă  disposition un personnel qualifiĂ© et rend les contrĂŽles tributaires des trajectoires des satellites. Les drones Ă  haute capacitĂ© prĂ©sentent le double avantage d’ĂȘtre Ă  la fois complĂ©mentaires des satellites et prĂ©cieux pour les visites de terrains. Avec un survol, les forestiers obtiennent un Ă©tat des lieux cartographique d’une prĂ©cision chirurgicale et qui ne leur coĂ»te presque rien. Jusqu’à l’évolution de la quantitĂ© de feuilles d’un arbre !

Pour les gestionnaires forestiers, le recours aux drones peut se traduire par des utilisations multiples : observation des peuplements, dĂ©limitation des parcelles, identification des zones Ă  risque d’incendies, dĂ©tection prĂ©coce des maladies et suivi de l’état sanitaire des arbres… La qualitĂ© des petits aĂ©ronefs rĂ©side dans la quantitĂ© de donnĂ©es photographiques de haute qualitĂ© qu’ils sont en mesure de collecter et le fait qu’ils puissent survoler Ă  basse altitude des zones inaccessibles ou dangereuses pour les forestiers. Leur prĂ©cision est telle qu’ils sont capables de distinguer un arbre en bonne santĂ© d’un arbre qui commence Ă  dĂ©pĂ©rir.

En cas d’urgence, ils permettent aux forces d’intervention de rĂ©agir rapidement et de maniĂšre adaptĂ©e grĂące Ă  une Ă©valuation rigoureuse des dĂ©gĂąts et des risques. Ainsi en 2022, des drones de classe C3 (autonomie de 55 minutes de vol, capacitĂ© d’éloignement de 15 km, camĂ©ra haute rĂ©solution et capteur multispectral) ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă  deux reprises dans des contextes critiques. Une premiĂšre fois au printemps pour hiĂ©rarchiser l’inspection des milliers d’hectares boisĂ©s du MĂ©doc et de Dordogne qui furent affectĂ©s par la vague violente d’orages de grĂȘle. Puis, pendant les incendies dĂ©vastateurs de l’étĂ©, pour prioriser les interventions dans les massifs girondins. Le bilan est sans appel. Les drones se sont imposĂ©s comme un outil crucial pour optimiser les opĂ©rations sylvicoles.

Mieux vaut prévenir que guérir

Depuis plusieurs annĂ©es, la propagation de maladies et la pullulation d’insectes gangrĂšnent les massifs forestiers français affaiblis par la sĂ©cheresse. Or ces maladies sont difficilement dĂ©celables, mĂȘme pour l’Ɠil averti d’un forestier chevronnĂ©. Quand le diagnostic est Ă©tabli, il est dĂ©jĂ  trop tard. Ici aussi, les drones se rĂ©vĂšlent ĂȘtre un apport dĂ©cisif pour traquer les maladies et engager en amont un traitement adĂ©quat. GrĂące Ă  leurs capteurs multispectraux, les forestiers peuvent observer prĂ©cocement l’activitĂ© photosynthĂ©tique des arbres, repĂ©rer un stress hydrique ou juger l’activitĂ© chlorophyllienne. Les petits aĂ©ronefs pourraient ainsi se rĂ©vĂ©ler essentiels pour limiter la prolifĂ©ration d’agents pathogĂšnes tels que le nĂ©matode du pin, une larve qui contamine les arbres sains et menace la forĂȘt des Landes, ou la rouille vĂ©siculeuse, qui laissent pour morts les jeunes comme les vieux arbres. Ils ont dĂ©jĂ  prouvĂ© Ă  quel point ils Ă©taient indispensables dans le traitement proactif de la chalarose de la forĂȘt de Fontainebleau.

Les dĂ©gĂąts que font certaines maladies poussent les propriĂ©taires forestiers Ă  opter pour des essences d’arbres climatiquement viables Ă  l’avenir, c’est-Ă -dire plus rĂ©sistants Ă  des chaleurs caniculaires et aux parasites. C’est le cas d’Arnaud de Montlivault, propriĂ©taire de 70 hectares d’épicĂ©as ravagĂ©s par le scolyte (colĂ©optĂšres qui creusent des galeries sous l’écorce et se nourrissent de la sĂšve des arbres). AprĂšs la coupe d’une partie de sa forĂȘt, il a exploitĂ© la technologie des drones pour rĂ©aliser des relevĂ©s cartographiques des zones Ă  reboiser et sĂ©lectionner les essences adaptĂ©es aux sols et aux conditions climatiques. Au lieu de sillonner Ă  pied ses 70 hectares armĂ© d’un GPS, ce propriĂ©taire s’est appuyĂ© sur des Ă©tudes d’imagerie prĂ©cises et a pu identifier rapidement onze essences durables Ă  planter pour rĂ©sister Ă  la sĂ©cheresse et au scolyte.

Cette association de l’expertise des forestiers Ă  l’usage de technologies de pointe est dĂ©finitivement une promesse pour l’avenir. Et elle ne se limite pas seulement aux drones. Des chercheurs ont dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ© une « forĂȘt connectĂ©e » en Gironde en disposant prĂšs de 200 capteurs dans le massif pour enregistrer par exemple les tempĂ©ratures et l’inflammabilitĂ©. D’autres projets sont en dĂ©veloppement comme la technologie de cartographie des sols et de la vĂ©gĂ©tation LiDAR (Light Detection And Ranging) ou encore le dĂ©veloppement de « flying whales » (« baleines volantes »), des ballons dirigeables qui permettent de transporter le bois Ă  partir de zones montagneuses difficiles d’accĂšs.