Cet artiste italien a réalisé au début des années 1960 une œuvre assez peu commune : des boîtes de conserve qui auraient contenu ses propres excréments. N’ayant rencontré que peu de succès de son vivant, l’œuvre a été largement plébiscitée après sa mort.
Pour élaborer cette œuvre en mai 1961, l’artiste plasticien Piero Manzoni s’est inspiré des Ready-made de Marcel Duchamp élaborés dès 1913 qui remettaient en cause l’exercice même de l’art et déclarant : « Peut-on faire des œuvres qui ne soient pas “d’art” ? »
Pionnier de l’art pauvre, Piero Manzoni devait penser que l’art en général était « de la merde » pour lui même produire une œuvre de ce type ! Intitulée Merda d’artista, celle-ci comptabilisait au total 90 boîtes de conserve en fer blanc hermétiquement fermées, étiquetées, numérotées et signées. Évidemment, tout laissait supposer que des excréments de l’artiste se trouvaient à l’intérieur.
Chacune des boîtes mesurant 5 x 6,5 cm comportait une étiquette mentionnant en italien (mais également en français, en anglais et en allemand) : « Merde d’Artiste, contenu net gr 30, conservée au naturel, produite et mise en boîte au mois de mai 1961 ». L’œuvre aurait été élaborée à Milan, dans son pays natal, mais d’autres sources indiquent qu’elle aurait été produite au Danemark.
Initialement, Piero Manzoni avait fixé le prix de ses boîtes en fonction de son pesant en or, soit 30 grammes d’or au cours qui était en vigueur à l’époque. Décédé en 1963 d’une crise cardiaque, l’artiste n’aura pas vendu beaucoup de ses boîtes de son vivant, les offrant le plus souvent à des amis ou les échangeant avec d’autres artistes. Cependant, la côte des boîtes s’est envolée après son décès en circulant sur le marché de l’art et se vendant parfois à valeur égale de 3000 grammes d’or !
Si la famille Manzoni en possède encore 5, les boîtes se retrouvent régulièrement dans diverses collections d’art contemporain autour du globe. Ces dernières années, certaines ont été cédées à des prix hallucinants comme chez Christie’s à Londres le 16 octobre 2015 pour plus de 200 000 euros ou encore le 28 octobre 2014 lors d’une vente aux enchères à Paris (160 000 euros).
Nous ignorons combien de boîtes de Merde d’Artiste existent toujours sur les 90 élaborées en 1961. En effet, certaines ont connu des problèmes d’étanchéité sûrement dus à la corrosion et à la pression du gaz. Près d’une dizaine de cas similaires ont été relevés depuis un demi-siècle et elles ont finalement terminé leur existence dans une poubelle, souvent à cause de l’odeur nauséabonde.
Cependant, on a fait état d’une ouverture volontaire d’une des boîtes. Cela s’est produit à Marseille en 1989 devant du public à la volonté de l’artiste français Bernard Bazile. Il s’agissait d’améliorer ou de déprécier une œuvre portant une double signature, celle de Manzoni puis celle de Bazile en fonction de ce qu’il y avait à l’intérieur. En réalité, le mystère n’a pas été éclairci tout simplement parce qu’un récipient enveloppé de coton dont le contenu est toujours gardé secret se trouvait à l’intérieur.
Sources : SudInfo – Centre Pompidou – Histoire des Arts