Depuis plus d’un siècle, la National Rifle Association (NRA) défend le libre commerce des armes à feu et encourage donc leur prolifération. Depuis plus de deux décennies, le financement public pour la recherche sur les armes à feu est presque totalement interdit par ce lobby très puissant outre-Atlantique.
La tuerie de Las Vegas du 1er octobre 2017 a fait 59 morts et plus de 500 blessés, devenant ainsi la plus sanglante de l’histoire du pays. Cette énième tuerie de masse sur le sol américain est l’occasion idéale d’évoquer les pressions exercées sur les pouvoirs publics par la National Rifle Association (NRA), une association à but non lucratif créée en 1871 encourageant et défendant principalement le libre commerce des armes à feu et l’entraînement à la survie.
Alors que les impacts économiques des blessures par armes à feu aux États-Unis sont évalués à 45,6 milliards de dollars chaque année en moyenne, mais surtout de trop nombreux décès, une grande partie de la responsabilité de cette dérive est imputée à la NRA. En effet, selon une enquête publiée le 4 octobre 2017 dans la revue Health Affairs, il existe une loi américaine datant de 1996 dont le but est d’interdire l’utilisation de fonds publics par les Centres pour le contrôle des maladies (CDC) « pour des études pour promouvoir le contrôle des armes ».
Comme l’indique les auteurs de cette enquête, « la violence par armes à feu est responsable d’au moins autant de morts que la septicémie [infection généralisée du corps humain], mais les fonds dédiés à la recherche sur les armes à feu ne représentent que 0,7 % de ceux consacrés à l’étude de la septicémie ».
Depuis des années, la NRA parvient à ses fins en faisant en sorte que le Congrès américain bloque ce genre de financement, ce qui implique une quasi totale absence de fonds publics pour ce genre de projets. Jeremy Samuel Faust, médecin urgentiste interrogé par Slate US, explique que « la recherche épidémiologique sur qui, pourquoi et comment les gens meurent à cause des blessures par balle a presque disparu en Amérique. »
Ce constat existe, car il y a un total déséquilibre dans les champs de recherche financés par les fonds publics. Les recherches portant sur la septicémie ou les opioïdes se comptent par centaines, mais seulement une douzaine ont été possibles sur les armes, et ce grâce aux efforts de Barack Obama, président de l’époque. Évidemment, les fonds alloués n’ont pas été renouvelés depuis.
Ainsi, au lieu de s’appuyer sur des études dignes de ce nom pour faire avancer la compréhension des tueries de masse, les urgentistes se réunissent parfois lors de conférences afin d’échanger leurs expériences, ce qui est en somme un véritable scandale. Pour Jeremy Samuel Faust, l’impossibilité de l’établissement d’un réel dialogue sur les armes à feu aux États-Unis « a freiné notre capacité, en tant que professionnels médicaux, à être bien préparés à sauver des vies pendant les fusillades de masse. »