Taïwan : reporter les méfaits des autres citoyens peut valoir une récompense

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À l’aide de leur smartphone ou de caméras discrètes, certains citoyens taïwanais épient leurs semblables dans l’attente d’infraction. Aussi bénignes soient-elles, les délateurs les reportent parfois dans l’espoir de toucher une part de l’amende que les coupables devront payer.

Stationnement interdit et jets de mégots

Depuis de nombreuses années déjà, la Corée du Sud encourage les citoyens à rapporter les petits délits des autres. Selon une archive de 2014, il existe même des « écoles de délation ». Plus récemment en 2021, la liste des infractions que les citoyens peuvent rapporter s’est élargie. En effet, le gouvernement a mis en place une plateforme en ligne pour dénoncer les personnes enfreignant les règles sanitaires en lien avec la Covid-19. Un autre pays asiatique semble emprunter la même voie que la Corée du Sud : Taïwan. Dans ce pays, jeter un mégot de cigarette sur le trottoir ou se garer en double file au mauvais endroit au mauvais moment donne l’occasion à un autre citoyen d’immortaliser le délit en images.

Selon un article du China Times publié de mai 2022, pas moins de 500 000 contraventions pour stationnement interdit ont été dressées dans la capitale Taipei en 2021, suite à des dénonciations citoyennes. Ce nombre représente pas moins de 43 % de l’intégralité des contraventions que la police de Taipei a émis pour cette raison la même année. Un article du média Taïwan News de 2021 évoquait le cas de Kaohsiung, la troisième ville du pays. Les délateurs ont été à l’origine de 63 % des amendes pour abandon de déchets sur la voie publique en 2020. Cela représente environ 27 000 infractions, dont la moitié concerne les mégots de cigarette.

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Un métier à part entière pour certains citoyens

Le phénomène a pris une telle ampleur qu’aujourd’hui, il existe des groupes Facebook dont la raison d’être n’est autre par exemple que les infractions routières. Au sein de ces groupes, les membres débâtent à propos des erreurs commises et estiment si ces dernières sont répréhensibles ou non. Leurs motivations sont diverses. Certains délateurs veulent en effet simplement agir pour le bien commun tandis que d’autres cherchent à obtenir une récompense sous forme d’argent.

Par exemple, chaque personne dénonçant un jet de mégot gagne 30 % de l’amende de 1 200 nouveaux dollars taïwanais (environ 36 euros) que devra payer le coupable. Des papiers jetés par les fenêtres, des crottes de chien non ramassées ou encore un véhicule recrachant de la fumée noire sont tout autant de raisons permettant à certains citoyens de gagner de belles sommes à l’année. Ainsi, comme en Corée du Sud, de nombreux Taïwanais ont fait de la délation un métier à part entière.

La police freine les excès de zèle

Cependant, des voix se font entendre à Taïwan contre ces excès de délation. En effet, les petits délits sont largement punis alors que les grosses violations de la loi se font généralement loin des regards. De plus, une photo prise par un délateur ne raconte pas forcément toute l’histoire et la police croule littéralement sous les demandes de récompenses, celles-ci devant faire l’objet de vérifications. Des dérives sont également apparues comme certaines personnes dénonçant des proches pour se venger de quelque chose.

Afin d’éviter de perdre un temps fou et de rendre la société complètement paranoïaque, la police a revu à la baisse les infractions qu’il est possible de dénoncer. Désormais, « seulement » 46 infractions composent la fameuse liste, dont les méfaits sont considérés comme plus sérieux, et donc plus dangereux.