50.000 enfants réduits à l’esclavage au Paraguay

Ce pays d’Amérique du Sud est en forte croissance. Cependant, les campagnes demeurent isolées des services de l’État et exposées à l’extrême pauvreté, à tel point que de nombreuses familles sont contraintes d’envoyer leur enfant (très souvent des filles) vivre en ville dans une autre famille en échange de soins et d’une éducation de qualité.

Ces enfants sont baptisés criaditas (« servantes » en français) et ils seraient près de 50.000 au Paraguay. Cette pratique rurale, en réponse à la pauvreté et à l’isolement, est très ancrée dans les mœurs de la société, mais se trouve être la source de nombreuses dérives quant aux droits des enfants.

Le dernier fait divers notable a été reporté dans un journal local le 1er novembre 2015, un véritable fait sordide ponctué par une condamnation trop légère, sans toutefois choquer l’opinion publique outre mesure. Crispin Villaba, avocat, a été jugé coupable du viol systématique d’une petite fille de 13 ans qui travaillait dans sa maison, et ce, sur une durée de 6 mois. Récidiviste et adepte du trafic d’êtres humains, l’homme a été condamné à 5 ans de prison, mais est ressorti libre dans l’attente d’un autre procès, après avoir fait appel de la première décision.

Le Paraguay dispose d’un système judiciaire des plus corrompus au monde. Cependant, pour Marta Benitez militante pour les droits des enfants et directrice de l’ONG Global Infancia, cette décision est « déjà une avancée que des enquêtes soient diligentées et des sanctions prononcées pour des abus sur des criaditas. Il y a quinze ans, explique-t-elle, c’était impossible de rendre visible le quotidien de ces enfants tant ces derniers n’apparaissaient pas comme des sujets dignes de droits pour la société paraguayenne. »

Les criaditas sont pour la plupart issues des milieux ruraux où l’État a complètement baissé les bras pour ce qui est de la santé et de l’éducation. Ces zones isolées sont également le théâtre de conflits terribles entre les grands propriétaires terriens producteurs de soja et des familles pratiquant la culture de subsistance. L’exode rural est donc très fort, mais pour beaucoup de familles, il n’est pas question de partir. Ainsi, il est tentant pour elles d’envoyer leur enfant dans une famille en ville avec l’espoir d’une vie réussie, de potentielles retombées pour la famille, au-delà de « l’économie » que la famille réalisera « grâce » à son absence.

Selon Marta Benitez, les familles d’accueil ne tiendraient que rarement leurs promesses et les enfants seraient traités comme des « esclaves modernes ». Au Paraguay, les enfants travaillent : un enfant sur quatre est donc soumis au labeur dans les champs, les mines, la construction, ou pour des activités de vendeur ambulant. De plus, une autre forme de travail existe : le criadazgo, qui est pour la militante « la pire forme de travail infantile, car dans la maison d’adultes étrangers, caché de la vue de tous, l’enfant est exposé à la maltraitance, à l’abus, au viol. »

Les criaditas sont soumis à une condition inhumaine qui les incite parfois à s’échapper, mais dans le cas où elles y arrivent, elles s’exposent à un autre danger : le trafic d’êtres humains. Selon Marta Benitez, « Neuf filles sur dix rescapées de la traite d’êtres humains sont d’anciennes criaditas », comme l’explique également cet article (en espagnol) publié par le média Ultima Hora il y a quelques années.

Sources : RFICourrier International