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Avec Génération Green, le Maroc veut adapter son agriculture aux défis du siècle   

Crédits : EchoSolidaire-Pixabay

Au Maroc, le plan de modernisation agricole « Génération Green 2020-2030 » a pour objectif de répondre aux nouveaux défis environnementaux en accélérant l’émancipation des populations rurales. Il vise également à mieux prendre en compte les besoins en terme d’irrigation dans un pays de plus en plus sujet à la sécheresse.

Qu’est-ce que le Plan Maroc Vert ?

A l’origine du Plan Maroc Vert, il y avait ce constat, dressé en 2006 lors du cinquantenaire de l’indépendance, d’un retard de développement subi par les régions les plus agricoles. Pour y remédier, les autorités ont lancé en 2008 le Plan Maroc Vert (PMV). Initié par Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture, ce plan au long cours s’appuyait sur deux piliers : la sécurité alimentaire et l’accompagnement solidaire de la petite agriculture.

A l’heure du bilan décennal, si tout n’est pas réglé, les motifs de satisfaction sont nombreux. Le PIB agricole a augmenté de plus de 5% sur la période, soit plus que le PIB global qui enregistrait dans le même temps une croissance moyenne de 3%. L’agriculture marocaine représente aujourd’hui 40% de l’emploi total et assure un revenu direct ou indirect à 15 millions de personnes au Maroc. Les systèmes de production sont plus performants et les agriculteurs mieux formés.

Aujourd’hui, le Roi Mohammed VI souhaite se projeter sur la décennie 2020-2030. Objectif : accentuer les efforts entrepris en tenant compte des nouvelles réalités économiques et sociales.

Génération Green, un plan plus vert et plus inclusif

Arganiers au Maroc
Arganiers au Maroc – Crédits : Edem84 – Pixabay

C’est ce à quoi doit s’atteler le projet d’envergure Génération Green, présentée le 13 février dernier. D’abord, il y a les chiffres, qui viennent réaffirmer l’ambition : doubler la part du secteur dans le PIB et accroître les exportations qui doivent passer de 34,7 milliards de dirhams en 2018 à 60 milliards de dirhams en 2030. Un effort qui devrait générer 350 000 nouveaux emplois, grâce, notamment, à la collectivisation d’un million d’hectares de terres.

Mais il y a surtout l’esprit. L’intitulé de cette nouvelle étape montre bien ce qui se joue désormais : associer encore plus étroitement les Marocains au développement agricole, à l’heure où la question se voit englobée dans une thématique environnementale devenue essentielle.

Le projet initié par Mohammed VI comporte une très forte dimension sociale. Un grand nombre des mesures proposées vise à l’émergence d’une classe moyenne agricole qui devrait compter 400 000 ménages d’ici dix ans contre 290 000 aujourd’hui. Les jeunes entrepreneurs ont également fait l’objet d’une attention particulière. 180 000 d’entre eux devraient ainsi se lancer d’ici 2030, encouragés par des mesures incitatives et un accompagnement de l’Etat en matière d’éducation et d’accès aux services connectés. Dans le même temps, les petits agriculteurs continueront de bénéficier de mesures de soutien.

L’emploi du terme Green marque l’inscription du développement agricole marocain dans une nouvelle ère : celle de l’adaptation. Depuis le lancement du PMV, un nouveau facteur s’est invité à l’agenda : celui du changement climatique. La hausse des températures anticipée par les climatologues devrait se faire ressentir en Afrique du Nord plus qu’ailleurs. Face aux risques accrus de sécheresse et de stress hydrique, l’optimisation des systèmes d’irrigation a déjà fait l’objet d’efforts conséquents. En moins de dix ans, le pays est passé de 60 000 à 1,6 million d’hectares irrigués, réalisant dans le même temps 1,4 milliard de mètres cubes d’économies d’eau par an.

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Crédits : Antgarprats -Pixabay

De nouveaux défis à l’échelle du continent

Encourageant mais pas complètement suffisant. D’après les dernières estimations, il faudra entre 7 et 15 milliards de dollars par an pour que l’Afrique résiste aux effets du changement climatique, 270 milliards d’ici à 2070. Pour ce faire, le Maroc compte, entre autres, sur le soutien de la Banque mondiale. Jesko Hentschel, directeur du département Maghreb au sein de l’institution, qui s’est dit très impressionné par les résultats du PMV, avait indiqué fin 2019 que la Banque serait prête à accompagner le pays sur les nouvelles technologies et pour tout ce qui renforcera l’adaptation au changement climatique (initiative AAA).

En attendant, la politique agricole du Maroc inspire ses voisins. En quelques années, le pays a acquis une solide expertise technique, notamment dans la fertilisation des sols*, ce qui lui permet aujourd’hui d’exporter son savoir-faire dans toute l’Afrique. L’OCP (Office chérifien des phosphates) a ainsi conclu des accords avec le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée, pays qui se sont également dotés de plans verts, et dont l’agriculture a connu une hausse de la productivité profitable aux paysans locaux.

A l’avenir, c’est tout un réseau de bonnes pratiques et de financements stratégiques qu’il va falloir imaginer pour permettre non seulement au Maroc, mais à toute l’Afrique, de faire face au plus grand challenge du siècle : faire du secteur agricole un levier de développement efficace face au double défi démographique et climatique.

* »L’Heure de l’Afrique » de Khaled Igué, éd. Hermann, 2020.