En Chine, un automobiliste renversant un piéton doit payer. Rien de plus normal en apparence, sauf qu’il devra payer beaucoup plus si le piéton survit et devient handicapé. Certains chauffards n’hésitent donc pas à assassiner la personne blessée, afin de payer une somme moins importante en guise de dédommagement.
Tuer, plus « intéressant » que blesser
Il s’agit d’un phénomène de société morbide, trouvant sa source dans une législation trop laxiste, qui oblige un automobiliste coupable d’accident impliquant un piéton, de dédommager sa famille en cas de décès, ou de prendre en charge l’intégralité des frais de santé en cas de handicap.
Seulement, dédommager une famille en deuil se chiffre généralement entre 25.000 et 60.000 euros (avant le classement de l’affaire), tandis qu’une prise en charge (pendant les 25 premières années) d’une personne devenue handicapée à cause de l’accident, impliquerait une somme de plusieurs centaines de milliers d’euros. Une différence très importante qui a donné naissance à un adage résumant ce phénomène de société aujourd’hui devenu banal : « mieux vaut renverser et tuer, que renverser et blesser ».
En effet, pour éviter de payer une somme trop importante, beaucoup d’automobilistes coupables d’accidents de la route, vont jusqu’à « finir » leur victime dans le cas où elle se trouverait toujours en vie après le premier impact. De nos jours, la démocratisation des caméras de vidéo-surveillance permet d’avoir des traces de ce genre d’affaires, témoignages indélébiles d’un système qui favorise ce que l’on appelle communément l’accident-meurtre.
Des histoires choquantes au plus haut point
Par exemple, en 2010 à Xinyi en Chine, une de ces caméras avait immortalisé la scène suivante : un jeune et riche chinois sort d’une place de parking en marche arrière, percutant un petit garçon de 3 ans et roulant sur son crâne après sa chute. Ensuite, l’homme repart vers l’avant, puis refait une marche arrière pour écraser à nouveau le garçonnet. Enfin, l’homme sort de sa voiture pour la guider d’une main, toujours en marche arrière, afin d’écraser une nouvelle fois l’enfant déjà réduit en charpie, avant de s’enfuir au volant du véhicule, roulant une dernière fois sur l’enfant. L’homme sera condamné pour « homicide accidentel », déclarant aux tribunaux qu’il avait pris l’enfant pour un sac-poubelle. Un jugement traduisant une corruption très présente en Chine.
« Arrêtez ! Vous avez renversé un bébé ! »
Une seconde histoire met en lumière une automobiliste tuant une petite fille devant les yeux de sa grand-mère, puis proposant de l’argent à cette dernière, tel un arrangement à l’amiable. En avril 2015 dans la province du Guangdong, une berline allemande renverse une petite fille de 2 ans et lui roule sur la tête. Le temps que la grand-mère de l’enfant se mette à crier, la conductrice fait marche arrière pour à nouveau rouler sur l’enfant, une opération qui sera renouvelée une troisième fois. Une fois la conductrice sortie du véhicule, elle déclare à la grand-mère : « Ne dites pas que je conduisais, dites que c’était mon mari. On peut vous donner de l’argent. »
Les condamnations relatives aux accidents-meutres sont ainsi soumis à la corruption de la justice, ainsi qu’à l’arrangement avec les familles. Les condamnations sont systématiques, concernant des pénalités de dédommagement moins importantes pour un décès, et des peines de prison très légères (environ deux ans, et pour « négligence » seulement). Ce phénomène, dont les premières histoires remontent aux années 1990, a pris aujourd’hui de l’ampleur avec la démocratisation de la vidéosurveillance, mais également des smartphones, des images qui circulent en permanence sur le Web.
Parfois, l’impunité n’est que partielle. Par exemple, en 2013 dans la province du Henan en Chine, un automobiliste s’est fait lyncher en pleine rue par la foule après que ce dernier eût renversé puis écrasé à deux reprises un enfant de 6 ans.
Une législation en voie de réforme, mais…
Éradiquer le phénomène des accidents-meutres est une motivation pour la Chine et Taïwan quant à mener une réforme de leur législation. Par exemple à Taïwan, il existait jusqu’à il y a peu, un article du Code Civil interdisant l’entreprise de procédures judiciaires au nom d’un tiers. Donc dans le cas d’un accident de la route, personne ne pouvait attaquer l’automobiliste au nom de la victime. En Chine, la loi s’est munie de précisions stipulant que les cas de collisions répétées doivent être considérés comme un homicide volontaire.
Cependant, la corruption restant très ancrée, surtout en Chine, les tribunaux semblent sans cesse vouloir croire aux explications douteuses des coupables, ces derniers échappant trop souvent à des sanctions justes. Malheureusement, les accidents-meutres se poursuivent.
Sources : Slate — DH
- Illustration : Les Furets