Comment régénérer les forêts sinistrées ?

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Un an après les « méga-feux » qui ont dévasté des dizaines de milliers d’hectares en Gironde, la question de la régénération des forêts est toujours au cœur des débats. Une problématique complexe, qui ne se limite plus aux seules régions méridionales de l’Hexagone, mais s’étend désormais à l’ensemble des forêts françaises qui subissent, de plein fouet, les premiers effets du changement climatique. 

En France comme aux quatre coins de la planète, la forêt souffre du changement climatique. Certes, la surface boisée n’a, dans l’Hexagone, eu de cesse d’augmenter depuis un siècle, passant de 10 à plus de 17 millions d’hectares (soit de 19 % à 31 % du territoire métropolitain), mais, bien que plus vaste, la forêt est aussi plus fragile, comme le révèle le dernier inventaire annuel de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), qui fait état d’une augmentation de 30 % du stock d’arbres de moins de cinq ans morts sur pied : des arbres debout, mais sans aucun signe de vie. Autrement dit, le dépérissement des arbres s’accélère.

« Fonte verte »

Les causes de cette accélération de la mortalité des arbres sont désormais bien connues et identifiées par les scientifiques. Toujours selon l’IGN, le réchauffement climatique aurait entraîné une hausse de la mortalité des arbres de plus de moitié (+54 %) en seulement dix ans.

Une augmentation liée, d’après les auteurs du rapport, « à la récurrence d’épisodes de sécheresse et de conditions climatiques à la fois difficiles pour les arbres et propices aux insectes xylophages », ces animaux qui se nourrissent de feuillus comme de résineux, et dont la prolifération favorisée par la chaleur peut ravager des parcelles entières en un temps record. L’Union des coopératives forestières françaises dresse le même constat, qu’elle qualifie même, en écho à la fonte des glaces des pôles, de véritable « fonte verte ». « En cause », pointe l’organisme, « le réchauffement climatique et son cortège galopant d’impacts interconnectés dont la progression se révèle bien trop rapide pour le  »temps des arbres » et accélère leur dépérissement ». Sécheresse, affaiblissement des arbres, arrivée et multiplication des scolytes, ces insectes qui creusent frénétiquement les troncs… : infernal, le cycle menace à moyen terme un grand nombre de massifs forestiers en France. S’il est d’ores et déjà trop tard pour sauver certains d’entre eux, un arbre mort est-il, pour autant, un arbre « inutile » ?

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Loin de là, assure Chloé Rivière, élue de la ville d’Annecy dont le « poumon vert », la forêt voisine du Semnoz, est, elle aussi, menacée : « un arbre mort et sec, ça a beaucoup de valeur au niveau de la biodiversité. Il y a un travail pour cibler les coupes, et aussi se demander quelles espèces planter pour que la forêt soit résiliente dans 150 ans ».

Couper les arbres et régénérer les forêts

Redonner vie à une forêt malmenée par le changement climatique ou dévastée par les incendies est donc une opération patiente et complexe, qui ne se satisfait pas des solutions toutes faites ou simplistes. Ainsi, couper des arbres demeure une action quasi-inévitable si l’on veut régénérer une forêt après un sinistre. À La Teste-de-Buch (Gironde), théâtre du plus spectaculaire « méga-feu » de l’été 2022, un immense chantier a ainsi débuté dès les flammes éteintes, chantier dont la première et incontournable étape consiste justement à couper les arbres brûlés, en valorisant le bois et en éliminant les sujets carbonisés ou malades afin de favoriser la régénération de la forêt. Un an après le drame, « 55% des coupes prévues ont été faites », se félicite Pascal Combecave, qui représente le syndicat de propriétaires de parcelles boisées..

Assurer la survie et la bonne santé des forêts est donc un travail de longue haleine effectué par les forestiers, malgré des résultats de fait lointains et parfois aléatoires. Comme le reconnaît ce propriétaire forestier de l’Aisne, « nous faisons énormément d’efforts financiers pour replanter », mais « encore faut-il que les arbres reprennent et poussent ensuite. (…) Ce n’est pas nous qui verrons les résultats, mais nos petits-enfants ». En attendant, sauver les forêts malades ne s’improvise pas – même si une certaine dose d’expérimentation est nécessaire et même bienvenue. C’est pourquoi ce même forestier du Nord concède avoir besoin de soutien, notamment de la part de sylviculteurs expérimentés : « Dans la coopérative, on trouve tout ce dont on a besoin. Avant, on faisait appel à elle pour gérer la coupe des arbres, les sélectionner, les vendre. Aujourd’hui, on fait appel à elle pour ce problème ».

Régénérer oui, mais comment ?

La période actuelle de dérèglement climatique étant inédite dans son intensité comme par sa rapidité, les forestiers (qu’il s’agisse des coopératives, des experts, des gestionnaires…)  font face à de nombreuses incertitudes : « on s’est posé beaucoup de questions », reconnaît notre forestier, « et on s’en pose encore beaucoup sur la gestion de cette crise et comment on reconstruit ». Quoi qu’il advienne dans les années à venir, « nous travaillons sur un temps très long » – le fameux « temps des arbres », évoqué plus haut, qui n’a rien à voir avec celui des êtres humains. « Dans 50 ans », philosophe le forestier de l’Aisne, « nous ne serons plus là pour voir si nous avons fait ce qu’il fallait », mais une chose apparaît, elle, certaine : d’ici à la fin du siècle, les forêts privées de France seront bien différentes de celles d’aujourd’hui.