Décès de Rémi Fraisse, bavure ou accident ?

Lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens, dans le Tarn, le 26 octobre dernier, un jeune opposant a trouvé la mort en recevant une grenade offensive utilisée par la gendarmerie, c’est tout du moins ce que laisse présumer les premiers résultats de l’enquête. Les forces de l’ordre sont-elles démesurément armées ? Doit-on qualifier le décès de Rémi Fraisse de bavure policière ou de malencontreux accident ? Face à des manifestants violents lançant des cocktails Molotov, comment doivent réagir les forces de l’ordre ? Tant de questions qui animent la presse et dont CitizenPost va tenter d’apporter quelques éléments de réponse.

Les conditions du décès de Rémi Fraisse, une enquête en cours…

Selon un témoignage délivré par les proches de Rémi au site Reporterre, le jeune homme de 21 ans était pacifiste et s’était retrouvé dans cette manifestation « presque par hasard ». Il y était allé pour retrouver plusieurs amis qui luttaient contre l’édification du barrage. Arrivé vers 16h, Rémi, en compagnie de son amie Anna, était resté un moment à l’écart des affrontements puis s’était décidé à aller voir. Il devait être aux alentours de 2h du matin et Rémi avait un peu bu, comme le confie Anna au site Reporterre : « il avait un peu bu dans la soirée mais n’était pas ivre », et d’un coup il s’est mis à courir en criant « Allez, faut y aller ! ». À ce moment là, les forces de l’ordre ont commencé à tirer des grenades de dispersion et Anna déclare s’être écartée pour se mettre à l’abri. Quand elle s’est retournée, Rémi avait disparu. Le lendemain matin, le corps a été retrouvé par les gendarmes sur le lieu des heurts.

Comment est-il mort ? Les grenades offensives ont rapidement été accusées d’être à l’origine de la mort du jeune homme mais cela paraît difficile d’imaginer que seule une grenade a pu tuer Rémi, peut être aurait-il eu dans son sac un cocktail Molotov ou un autre explosif artisanal qui aurait été déclenché par la grenade. Cette version a été démentie par Anna, l’amie de Rémi Fraisse, qui déclare à Reporterre qu’il « avait juste une bouteille de vin et des gâteaux apéritifs dans son sac à dos ». Les analyses semblent lui donner raison puisque, sur les lambeaux du sac que Rémi avait sur son dos, on ne retrouve que des traces de TNT qui figure « dans la composition des charges des grenades lacrymogènes ou offensives utilisées par les gendarmes » comme l’explique le procureur de la République d’Albi.

Les forces de l’ordre sont-elles démesurément armées ?

C’est la question qui est posée par le journaliste Thomas Sotto au professeur de criminologie appliquée et consultant en sécurité, Alain Bauer, à l’antenne d’Europe 1 le 29 octobre dernier. Sa réponse : il n’y a pas si longtemps, « on tirait à balles réelles sur les manifestants, après on les a chargés avec des sabres […], le maintien de l’ordre était une opération militaire, elle est devenue une opération policière ». Selon lui, on vit une désescalade mais qui n’est pas encore tout à fait aboutie. Seulement, si l’on retire aux gendarmes leurs armes, comment pourront-ils lutter face à des manifestants violents et armés de cocktail Molotov ?

Sur le net comme dans la rue, le débat s’envenime vite, les manifestations se multiplient et Rémi Fraisse est déjà élevé comme un symbole. Ne pouvant rester sans réagir, le gouvernement déclare, en la personne de Bernard Cazeneuve (ndlr : ministre de l’Intérieur), la suspension immédiate de l’utilisation des grenades offensives.

Alors, bavure ou accident ?

Sous ces airs de bavure, la mort de Rémi Fraisse n’est probablement qu’un regrettable accident. Déjà en 1977, lors d’une manifestation contre le projet de centrale nucléaire à Creys-Malville, un homme de 31 ans, Vital Michalon, avait perdu la vie. L’enquête avait révélé que ses poumons avaient éclaté suite à la déflagration d’une grenade offensive. À l’époque, les grenades étaient lancées en tir tendu et cela les rendaient plus dangereuses, le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing avaient donc choisi d’interdire l’usage des grenades offensives en tir tendu, au profit du tir en cloche ou du tir au ras du sol.

Dans le cas de Rémi Fraisse, ce qui a rendu la grenade mortelle malgré un lancement en cloche, c’est qu’elle serait tombée entre son sac et son dos. Le sac a été déchiqueté et le jeune homme a perdu la vie. « Il ne s’agit pas d’une bavure » déclare donc le ministre Bernard Cazeneuve, invité de l’émission Preuves par 3, « on ne peut pas présenter les choses ainsi ». Les spécialistes sont catégoriques : les grenades utilisées par la gendarmerie ne peuvent pas tuer, sauf s’il y a « un improbable concours de circonstances », ce que l’on peut également appeler… un accident !

Rémi Fraisse est donc bien une victime, il est victime d’un affreux accident. Il y a bien un coupable et c’est le chaos d’une manifestation qui tourne à la violence. Alors même que 2000 personnes manifestaient pacifiquement avec pour unique objectif le retrait du projet de barrage, les militants pacifiques se sont fait déborder par une centaine d’anarchistes vêtus de noir, encagoulés et armés de cocktails Molotov (sur le modèle des Black Blocs). Le directeur général de la Gendarmerie, Denis Favier, a annoncé que des vidéos avaient été tournées par les forces de l’ordre durant la manifestation et qu’elles attestent bien de la violence de certains manifestants, qui par ailleurs, ont blessé deux gendarmes.

Sources : Reporterre, Europe 1, Le Monde

– Illustration : Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet