Deux salles, deux ambiances pour les étrangers en France

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Alors que la récente expulsion de centaines de migrants à Paris a choqué par sa violence, la France accorde dans le même temps une protection aveugle aux personnalités riches et influentes, et ce en dépit de leur lourd passé judiciaire. Cette ambivalence des autorités françaises face aux étrangers interroge. Explications.

Lundi 23 novembre, les images de démantèlement d’un camp de réfugiés installé place de la République à Paris ont provoqué l’indignation d’une partie de l’opinion publique. En pleine soirée, la France entière a été témoin de l’acharnement des forces de l’ordre à chasser de leurs tentes près de 500 réfugiés – principalement afghans. Quelques jours plus tôt, ces derniers avaient été expulsés d’un précédent campement de 2 800 personnes à Saint-Denis, là aussi sans ménagement ni préoccupation quant à leur devenir.

Dénoncée par de nombreux médias et associations, cette opération n’est malheureusement que le reflet d’une banalité affligeante au « pays des droits de l’Homme ». À Calais, ces scènes de violence sont subies quasi quotidiennement par les migrants. Des pratiques parfois indignes d’une démocratie comme la nôtre, qui ont inspiré à un des réfugiés violentés place de la République la réflexion suivante : « Ça se passe comme ça, en France ? »

Cette question en forme de désillusion posée par un Afghan de 23 ans qui a fui la guerre, le terrorisme et la répression pour espérer un avenir meilleur en Europe, il est aussi légitime de se la poser aussi quand on voit comment, dans le même temps, la France accueille à bras ouverts des étrangers puissants et fortunés, quand bien même ils sont par ailleurs condamnés pour des délits graves.

Dernier exemple en date, le cas de l’oligarque kazakh Moukhtar Abliazov résume cette politique du deux poids, deux mesures. À quelques jours d’intervalle, l’ex-banquier poursuivi dans trois pays européens pour le détournement et le blanchiment de plusieurs milliards de dollars a obtenu de la Cour nationale du droit d’asile le statut de réfugié politique le 29 septembre 2020, avant d’être mis en examen par la justice française le 7 octobre…

Après avoir fui son Kazakhstan natal en 2009 suite aux accusations de divers délits financiers, l’homme de 57 ans a été condamné à une peine d’emprisonnement au Royaume-Uni, où il s’était réfugié. Contrairement aux autres exilés qui ne disposent pas des mêmes ressources financières, Moukhtar Abliazov a pu échapper à la justice britannique en se cachant dans le sud de la France.

Mais à la place d’une tente, c’est dans une magnifique villa de la région de Grasse, sur les hauteurs de la Côte d’Azur, qu’il a trouvé refuge jusqu’à ce que la justice française s’intéresse à son cas. Et quand des milliers de sans-papiers sont renvoyés vers une détention quasi certaine dans leur pays d’origine alors qu’ils n’ont commis aucun délit, lui a jusqu’ici échappé à l’extradition vers le Kazakhstan.

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La France, paradis pour riches criminels venus d’ailleurs

En France, les régimes de faveur accordés aux riches et influentes personnalités étrangères ne se résument pas au cas de Moukhtar Abliazov. Alors que le verdict de l’affaire dite des écoutes impliquant entre autres l’ancien président Nicolas Sarkozy doit être rendu en mars 2021, l’un des autres principaux accusés, Ziad Takieddine, a également bénéficié pendant longtemps de l’hospitalité de la République française.

Finalement rattrapé par la justice le 4 décembre au Liban, son pays natal, le sulfureux homme d’affaires de 70 ans a joui d’un train de vie de milliardaire et d’une impunité quasi totale des autorités françaises pendant ces 20 dernières années. Propriétaire, entre autres, d’un luxueux logement de 700 m² dans le XVIe arrondissement de Paris et d’une villa avec piscine à Antibes, où il accueillait régulièrement plusieurs ministres français, Ziad Takieddine a trempé dans les pires affaires de corruption des années 90 et 2000, jouant l’intermédiaire entre la France et la Libye (Mirage), l’Arabie Saoudite (Miska) ou encore le Pakistan (Karachi).

Parmi les nombreux autres exemples du traitement de faveur accordé par l’État français aux étrangers influents, citons celui de Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale. Ancien ministre promu vice-président dans son pays, l’homme de 50 ans préfère néanmoins exercer ses fonctions depuis Lausanne ou Paris, où il s’est bâti frauduleusement un patrimoine considérable.

Propriétaire d’un hôtel particulier de 101 pièces dans la prestigieuse avenue Foch à Paris, il possède également pas moins de 18 voitures de luxe, valant pour certaines plusieurs millions d’euros… En octobre 2017, Teodorin Obiang a finalement été condamné par la justice française pour le blanchiment de près de 150 millions d’euros, avec une peine alourdie à trois années de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende lors de la décision d’appel prononcée le 10 février 2020.

Une broutille pour ce milliardaire qui, comme Takieddine, Abliazov et d’autres encore, continue à profiter de la complaisance d’un pays où les riches escrocs sont, parfois, traités comme des rois et les pauvres migrants comme des criminels.