Femmes, arabes et journalistes, elles bousculent leur époque

Dans certains pays du monde arabe, le combat des femmes pour exister, notamment sur la scène médiatique est difficile, mais rondement mené par ces journalistes. Il y a quelques jours, la vidéo d’une journaliste libanaise « recadrant » un cheikh islamiste faisait le tour du monde. Zoom sur deux femmes qui, chacune dans un style différent, osent bousculer les codes.

La fermeté de Rima Karaki — Liban

C’est la vidéo star du moment. Rima Karaki est une journaliste bien connue de la télévision au Liban, elle anime l’émission « Bidoun Zaal ». Début mars, elle menait un interview du sulfureux cheikh islamiste Hani al-Sibaï, en duplex de Londres. Désagréable, il se lance dans un interminable récit historique. Elle lui rappelle que le temps est limité, mais l’homme se montre toujours aussi désagréable, et ne compte pas cacher son dégoût à être interrogé par une femme : « C’est indigne pour moi d’être interviewé par vous ». Une dernière tentative de la journaliste sera ponctuée d’une réponse cinglante de la part de l’invité : « Fermez-la que je puisse répondre! » Rima Karaki se montre alors ferme, et met fin à l’interview pour manque évident de respect.

Une vidéo qui a déjà été visionnée presque 8 millions de fois sur YouTube. « Je ne me vois pas comme une héroïne, mais comme tout homme ou femme ayant de l’amour-propre. Des gens pensent que les hommes ont un droit naturel de contrôler les femmes, mais beaucoup de femmes sont en train de casser cette image », a déclaré la journaliste au journal The Guardian.

Son prochain combat concerne le port du voile pour les femmes à l’antenne. Voile qu’elle portait justement ce jour-là, contre sa volonté, mais par simple preuve de respect envers son invité qui avait formulé cette demande spécifique. « Le voile n’est pas un jeu que l’on met ou qu’on enlève selon les caprices d’hommes religieuxLa volonté de Dieu est plus importante que la leur, et ils n’ont pas le droit de se donner ce pouvoir. »

https://www.youtube.com/watch?v=bOlpK6Yj5a4

Le fou rire déstabilisateur de Nadina Al-Bedair — Arabie Saoudite

C’est sur le plateau de son émission « Ettijahat » que la journaliste saoudienne Nadina Al-Bedair recevait le 11 janvier dernier l’historien saoudien Saleh Al-Saadoon. Cet historien explique tranquillement pourquoi les femmes saoudiennes n’ont pas à conduire de voitures. « Si une femme conduit d’une ville à une autre et que sa voiture tombe en panne, que va-t-il lui arriver? » Réponse : un viol. Quand la journaliste lui évoque tous les autres pays où la femme a le droit de conduire, il répond : « Les autres pays s’en moquent si leurs femmes se font violer au bord des routes, mais pas nous ». Il insiste ensuite sur le côté privilégié des femmes qui ont l’honneur de se faire conduire par des membres — masculins bien entendu — de leur famille. « Comme des reines » dit-il.

Mais lorsque vient le moment où cet historien propose une solution pour ne pas que les femmes saoudiennes soient violées par leur chauffeur, solution qui consiste à faire venir des chauffeurs femmes étrangers pour conduire les femmes, c’en est trop pour la journaliste qui ne peut contenir son fou rire.

Consciente du retard et de la culture patriarcale de son pays, la journaliste déplorait en 2008 le manque d’activistes en Arabie Saoudite pour que les choses changent, mais surtout qu’elles changent rapidement. « On dit que cela va changer lentement, mais nous n’avons pas le temps de changer lentement, le monde évolue vite, disait-elle. Je n’ai pas à attendre que les islamistes et les traditionalistes changent d’avis pour pouvoir changer ma vie. Je n’ai qu’une vie et je veux la vivre comme je le souhaite ». 

https://www.youtube.com/watch?v=KQEeXmcWOxI

Source : geopolis