« Un Français », le film qui fait peur aux salles de cinéma

La nouvelle production du réalisateur français Diastème se heurte à la crainte des salles quant à la projection à venir de « Un Français », un film relatant l’histoire d’un skinhead militant d’extrême droite qui change de voie et tâche de se sortir de la haine et de la violence.

« Les 50 avant-premières du film qui devaient avoir lieu dans 50 villes de France le mardi 2 juin sont annulées », avait annoncé à Diastème (Patrick Asté) la coproductrice du film, Marielle Duigou. Le réalisateur avait expliqué longuement les problèmes rencontrés par le film dans un billet posté sur son propre blog, le 25 mai 2015.

Les difficultés ne se limitent pas aux cinquante avant-premières annulées, mais concerne également la sortie en salle prévue dans plus d’une centaine de cinémas. Cette centaine de salles prévues par Mars Distribution se transforme, selon Diastème, en « moins de 50, et encore, pas sur ».

Le réalisateur ne comprend pas la réticence des salles face au film et indique qu’il ne s’agit pas d’un « American History X à la française ». « Un Français » a été associé au film américain de Tony Kaye sorti aux États-Unis en 1999, ayant fait grand bruit à l’époque.

En effet, là ou le Derek d’American History X rejoignait un groupuscule de néonazis de la côte ouest-américaine à la mort de son père pompier, tué dans un ghetto, avant de se ranger et tenter protéger sa famille, le Marco de Un Français est quant à lui militant d’extrême droite qui passe ses journées à se battre avec des Maghrébins, des punks et des militants d’extrême gauche dont sont issus d’autres skinheads, avant de progressivement abandonner la violence.

« American History X était formellement la référence contraire de mon film, je l’ai même montré à une partie de mon équipe technique pour leur montrer vraiment ce qu’il fallait éviter. Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est moi, ce que je ne voulais pas faire… » explique Diastème à Allociné. Il estime que dans ce film, il y a une « esthétisation de la violence ».

Un scénario démontrant une rédemption, mais un film abordant un sujet qui semble gênant en France. Le thème a déjà été visité, nous l’avons vu aux États-Unis avec le film évoqué précédemment, mais également au Royaume-Uni avec le film This is England, sorti en 2006. C’est d’ailleurs dans ce dernier qu’une différence très intéressante est soulevée, permettant de comprendre qu’il existe plusieurs sortes de skinheads, et qu’ils sont idéologiquement loin de tous appartenir à la mouvance d’extrême droite. Les skinheads peuvent être antinazis et antiracistes tandis que leurs influences musicales et vestimentaires leur confèrent des différences visibles. D’ailleurs, appeler les néonazis « skinhead » est une erreur, puisqu’une appellation spéciale leur a été attribuée pour les différencier : « Bonehead », un terme péjoratif se traduisant en français par « crane d’os ».

« Mais dans quel pays est-ce qu’on vit!? Sans déconner!? »

Diastème est évidemment déçu du retrait des salles et explique que son choix d’en faire un film est lié à la mort en 2013 de Clément Méric, ce militant d’extrême gauche, membre actif de l’Action antifasciste Paris-Banlieue passé à tabac par cinq membres de l’extrême droite :

« J’avais commencé à écrire un livre intitulé “Un Français”, dont le sujet était partiellement similaire. Et le jour de la mort de Clément Méric, à la télévision, j’ai revu dans le camp de ses agresseurs des visages que j’avais croisés dans mon enfance ou mon adolescence. Me rendre compte que ces gens avaient mon âge, que leur haine était la même que quand ils avaient 18 ans, cela m’a bouleversé. Rien n’avait bougé. J’ai trouvé cela troublant, et romanesque. J’ai pensé que s’il y avait un seul sujet à traiter aujourd’hui, ce serait celui-ci : un personnage que l’on suit sur trente ans et qui, lui, se débarrasse de la haine et de la violence au fond de lui. C’était un sujet de film. En deux jours, j’avais écrit vingt pages… »

Le réalisateur ne cache pas la dimension personnelle autour du film, puisqu’il dit avoir grandi à l’époque des « bandes de skins » et des affrontements :

« Le personnage principal a mon âge, il vient du même endroit que moi. Je suis né fin 1965, j’ai grandi à Colombes, dans un quartier où la première bande de skinheads française s’est créée. J’ai connu ces gens, ils étaient mes camarades de bac à sable. Moi, j’ai eu la chance de partir. (…) Quand je revenais ponctuellement à Colombes, je voyais comment la jeunesse évoluait. D’autres bandes se sont formées. Et les premiers skins, je les ai retrouvés quand j’étais étudiant à Nanterre, en 1985. (…) Je me suis moi-même fait courser par des types d’extrême droite. À l’époque, je participais à Touche pas à mon pote, même si je n’ai jamais milité. (…) C’est donc un film profondément personnel. »

Un communiqué a été publié par Mars Distribution, dénonçant une « spectaculaire campagne de haine », et que « malgré toutes les tentatives d’intimidation qui, finalement, en justifient la portée, “Un Français” sortira le 10 juin 2015 “.

Le film sortira donc dans peu dans les salles. Par exemple à Grenoble, le film sera uniquement diffusé au cinéma Le Club (9 bis Rue du Phalanstère).

Voici la bande-annonce du film (Mars Distribution) :

Sources : Les InrocksFrance TV info – Le Monde – Allociné