Haro sur l’héritage de la famille royale britannique

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Le quotidien britannique, classé à gauche, The Guardian a contesté devant les tribunaux la décision judiciaire permettant de garder secret le testament du décédé prince Philippe, ancien époux de la Reine Elizabeth II. Les Windsor avaient déjà, en 2017, été plongés dans le tourbillon des Paradise Papers.

Le secret bien gardé des héritages des Windsor

Selon le journal La Croix, au cours des 111 dernières années, la famille royale britannique aurait transmis, en héritage, l’équivalent de 223 millions d’euros en argent, mais aussi en propriétés, bijoux ou encore en œuvres d’art, à des membres de sa famille. The Guardian estime ainsi que la levée du secret sur la transmission d’héritage permettrait une estimation plus précise des réels besoins des Windsor, dont 15 à 25 % provient des profits du domaine de la couronne, le Crown Estate. Le prince Charles, par exemple, perçoit 24 millions d’euros par an issus du duché de Cornouailles. Pas question de leur donner raison pourtant, selon les avocats de la Couronne et le procureur général pour l’Angleterre et le Pays de Galles, qui estiment qu’« il existe une réelle importance constitutionnelle à maintenir la dignité de la monarchie (…) et de la famille royale, afin de préserver sa position et sa capacité à remplir son rôle constitutionnel de symbole unificateur de la nation ». Une opacité très politique, donc.

La famille royale est une habituée de l’opacité autour de ses finances. L’enquête des Paradise Papers, menée en 2017, avait démontré que des conseillers de la Reine avaient investi l’équivalent de 12 millions d’euros, dans deux paradis fiscaux bien connus, les Bermudes et les Iles Caïmans. Des mouvements qui, a priori, ne sont pas illégaux et surtout, qui ne représenteraient que 0,3 % de la valeur totale du Duché, selon des proches de la Couronne. Les fonds investis sont directement le fait du Privy Purse, principalement lié au Duché de Lancaster, un patrimoine privé composé de 18 000 hectares de terrain, notamment des terres agricoles, des locaux commerciaux et des résidences, mais aussi d’un portefeuille d’investissements. Contrairement au Crown Estate, ce duché n’appartient pas à l’État mais demeure une propriété directe du souverain. Mais, gérées par un conseil d’administration, la Reine n’a qu’un regard très partiel sur ses finances et n’a, probablement, jamais été mise au courant des investissements menés aux Bermudes et aux îles Caïmans.

Des efforts réalisés par les Bermudes et Iles Caïmans à la suite des Paradise Papers

Depuis les révélations, les Bermudes, comme les îles Caïmans ont fait des efforts manifestes pour s’aligner sur les standards internationaux. Les îles Caïmans ont ainsi été retirées, en octobre 2020, de la liste noire des « juridictions fiscales non coopératives », que l’archipel avait intégrée en février de la même année. Selon le Conseil de l’Union européenne, les Iles Caïmans ont « adopté les réformes nécessaires pour améliorer leur réglementation fiscale », en confiant à leur parlement le soin d’adopter des réformes sur les Organismes de placement collectif (OPCVM). Sur le secret des affaires, certaines décisions vont aussi dans le bon sens. Port Fund, géré par Port Link et indirectement KGL Investiment, aurait ainsi détourné plus de cent millions de dollars vers les Philippines, au détriment de l’autorité portuaire du Koweït et de l’institution publique de sécurité sociale. Les deux plaignants, qui forment ensemble la Gulf Investment Corporation, ont été autorisés à engager une procédure judiciaire contre le gestionnaire du fonds, Port Link. Une décision d’apparence anodine, mais en réalité historique pour protéger les investisseurs.

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Les Bermudes ont été retirées le 17 mai 2019 de la liste noire de l’Union européenne des paradis fiscaux, créée en décembre 2017 après les Paradise Papers, et déplacées sur une liste grise, qui les laissent malgré tout sous surveillance étroite. L’île, qui avait tardé à modifier ses règles fiscales, s’est désormais alignée sur des standards acceptables pour l’Union européenne. A ce jour, figurent encore sur la liste noire les Samoa américaines, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, Trinité-et-Tobago, les Iles Vierges américaines, ainsi que le Vanuatu, tandis que la liste grise compte 25 États ou territoires, dont la Russie, Israël ou encore la Tunisie et le Viêt Nam.