Dans le contexte actuel, beaucoup de citoyens considèrent que le couvre-feu est une mesure trop autoritaire. Et pourtant dans l’Histoire, il s’agissait d’une mesure de police chrétienne et parfois d’origine militaire. L’objectif ? Mieux marquer et différencier le cycle du jour par rapport à celui de la nuit ou contrôler les populations occupées.
Une mesure qui n’a rien de nouveau
Dans le but de stabiliser la situation sanitaire actuelle, le gouvernement français a décidé de mettre en place un couvre-feu depuis mi-décembre 2020. Cette mesure pourrait perdurer encore plusieurs mois, l’heure n’étant pas au relâchement. Pour un certain nombre de citoyens, il s’agit d’une mesure autoritaire synonyme de privation des libertés individuelles. Pour autant, au regard de l’Histoire, le couvre-feu n’est pas une mesure nouvelle, loin de là.
Il s’agit en effet d’une mesure que l’on retrouve à différentes périodes. Généralisé par la Wehrmacht dans les territoires occupés durant la Seconde Guerre Mondiale, la première trace de couvre-feu daterait de l’an 1068. Cette année-là, Guillaume le Conquérant l’avait utilisé en guise de répression contre les Anglo-saxons. Plus récemment, les émeutes dans les banlieues françaises de 2005 ont également débouché sur la mise en place d’un couvre-feu.
Cycles jour/nuit et sécurité
Évoquons le fait qu’au Moyen Âge, le couvre-feu était la norme dans les villes occidentales. À la tombée de la nuit, une cloche rappelait à tout le monde l’obligation de recouvrir les feux d’un couvercle de fonte (d’où le nom de la mesure). Il s’agissait d’une norme préventive contre les incendies menaçant potentiellement les maisons faites de bois. Toutefois, il s’agissait également pour l’Église chrétienne de réguler les horaires de travail et d’assurer la sécurité dans l’espace public.
Il faut dire que jusqu’à l’Ancien Régime et au-delà, la nuit était l’alliée numéro un des voleurs et autres bandits de grand chemin. Or, les historiens estiment que le couvre-feu servait à pallier la faiblesse numérique des forces de l’ordre. De plus, les moyens de contrôler l’espace public étaient assez rudimentaires. Les enceintes fortifiées fermaient leurs portes, les forces de l’ordre utilisaient des chaînes pour entraver les rues principales et les habitants faisaient de même pour protéger leurs fenêtres.
Un épanouissement de la vie nocturne
D’après les historiens Jean Verdon, Simone Delattre et Alain Cabantous, il y a eu un basculement entre le XVIIIe et le XIXe siècle, période durant laquelle sortir la nuit était devenu une pratique valorisée socialement. En outre, l‘invention de l’éclairage public constitue également un moment décisif d’après les historiens. Effectivement, sa généralisation a progressivement permis l’abandon du couvre-feu aux XVIIe et XVIIIe siècles dans toute l’Europe, puis aux États-Unis au XIXe.
En France, avant que l’électricité ne s’impose, les lanternes à chandelle étaient la norme. La vie nocturne a donc connu, comme les autres pays d’Europe, un bond sans précédent avec la généralisation de l’éclairage public et la présence constante d’allumeurs de chandelles. Avec l’augmentation très progressive des durées d’éclairage, les loisirs nocturnes sont apparus menant à la multiplication des patrouilles de police préoccupées par de nouvelles dérives : tapages, manifestations d’ivresse ou encore jets d’urine.
Le couvre-feu refera furtivement surface pendant l’occupation prussienne de Paris en 1870. Néanmoins, la vie nocturne finira par poursuivre son épanouissement avec l’apparition des bals, des cabarets et autres cafés-concerts, dans un premier temps sur les Champs-Élysées puis un peu partout dans le pays. Aujourd’hui, le couvre-feu n’est ni une mesure militaire ni une mesure en lien avec l’Église. Il s’agit ni plus ni moins d’une stratégie parmi d’autres pour tenter de juguler la pandémie.