En toute discrétion, les députés sont en train de changer les règles de la présidentielle

L’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 garantit le pluralisme en période électorale. Par ailleurs, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a défini clairement les règles s’inscrivant dans la loi de 1986 et qui s’appliquent au traitement de l’actualité électorale. Toutes ces lois et règles permettent de garantir notamment l’équité et l’égalité surtout en ce qui concerne le temps de parole. Par exemple, il existe une règle complémentaire qui oblige les éditeurs à fournir leurs relevés de temps de parole d’un candidat ou des interventions de ses soutiens et les temps d’antenne avec les éléments éditoriaux sur un candidat et ses soutiens au CSA. Néanmoins, la loi de modernisations de l’élection présidentielle risque de tout remettre en question… et fait grincer des dents !

Le jeudi 24 mars, les députés ont décidé de lancer une réforme en nouvelle lecture concernant les règles applicables à l’élection présidentielle qui sera en vigueur pour la prochaine élection de 2017. Cette mesure adoptée à la majorité prévoit un assouplissement de la loi. Beaucoup d’éléments rentrent dans ce projet : une réforme des modalités de recueil des 500 signatures (l’obligation pour tous les candidats de rendre publics les fameux 500 parrainages d’élus), l’heure de fermeture des bureaux de vote et bien sûr, il y a le fameux article 4 sur les règles de répartition du temps de parole dans les médias. À l’heure actuelle, il y a en effet une obligation d’avoir une stricte égalité de ce temps de parole cinq semaines avant l’élection (les trois semaines constituant la période intermédiaire puis les deux semaines de campagne officielle). Celle-ci se retrouverait réduite à deux semaines seulement avec cette réforme.

Quels sont les arguments défendus ?

Les arguments en faveur de cette réforme

Les partisans du texte considèrent que des règles trop strictes ne favorisent pas la médiatisation de la campagne électorale. Ils parlent en effet de « complications » liées au fait qu’il y avait un nombre important de candidats (12 en 2007 et 10 en 2012) et qu’appliquer les règles de stricte égalité est extrêmement compliqué, « dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats et conduisant in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle », argumente Jean-Jacques Urvoas. Selon les déclarations s’appuyant sur un rapport du CSA de Christophe Béchu auprès de Marianne, « le temps moyen consacré par les chaînes généralistes aux interventions des candidats a été divisé par deux entre 2007 et 2012 ».

Pourquoi cela fait-il débat ?

Les craintes concernant cette réforme sont en lien avec les petits partis déjà sous-représentés dans les médias en règle générale qui n’auront plus les mêmes garanties de pouvoir s’exprimer. Pour Isabelle Attard, « l’objectif semble clair : limiter le choix des Français à trois bulletins : Parti socialiste, les Républicains (LR) et Front national ». Il y a ainsi un risque de favoriser le tripartisme en « [étouffant] tout courant intermédiaire ». En effet, pour le député de l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan, « c’est une catastrophe pour la démocratie, alors que la présidentielle est la seule élection qui intéresse encore les Français, justement parce qu’elle est libre. »

Les dernières barrières avant l’adoption de la loi

La loi sera votée par les députés le 5 avril prochain. De par l’importance de ce changement dit « organique », il devra recueillir la majorité absolue des membres de l’Assemblée, soit 289 voix. La seule chance pour que ce texte soit abandonné définitivement reste à présent une censure du Conseil constitutionnel pour non-respect du principe d’égalité. Le passage de cette réforme devant les Sages est le dernier espoir pour les opposants à cette loi jugée « anticonstitutionnelle » par Nicolas Dupont-Aignan. Ces mêmes opposants à la réforme se seraient par ailleurs rapprochés, bien décidés à tout faire pour empêcher l’arrivée effective de cette loi.

Source : CSA ; LCP ; Marianne