McDonald’s : derrière la com’, la face peu reluisante de l’empire du burger-frites

MacDonalds restaurant in Lviv, Ukraine
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Très implanté en France, qui représente son deuxième marché mondial, le géant américain de la malbouffe soigne sa communication afin de redorer son image de marque. Problème : derrière les slogans publicitaires, la réalité de l’engagement social, local et environnemental – et même fiscal – de McDonald’s laisse à désirer. Plongée dans les arrière-cuisines peu reluisantes du numéro 1 du fast food.

« Venez comme vous êtes » : les Français, qui ont fait de leur pays le second marché mondial de McDonald’s après les Etats-Unis, semblent avoir pris le slogan au mot. Avec plus de 1 500 restaurants dans l’Hexagone, la célèbre chaîne de fast food prospère dans le pays, au grand dam des défenseurs de l’environnement, de la gastronomie française ou de la justice sociale – et fiscale. Car non content de réaliser des profits records en France, le géant américain du burger-frites est passé maître dans l’art de l’évasion fiscale. Peu de clients s’en doutent, mais McDonald’s réalise en effet une bonne part de ses bénéfices… dans l’immobilier, en imposant à ses franchisés des loyers exorbitants : un pactole qui est immédiatement transféré au Luxembourg, où sa maison-mère européenne bénéficie d’une fiscalité bien plus douce qu’en France.

C’est ce montage fiscal qui a permis à McDonald’s France de diminuer, artificiellement, ses bénéfices afin de ne payer qu’une fraction des impôts dont la multinationale était normalement redevable dans le pays où elle réalise tant de profits. Alertée par les syndicats du groupe américain, l’administration fiscale a, en juin dernier, proposé un accord que McDonald’s s’est empressé d’accepter : contre une amende de 1,25 milliard d’euros, le Parquet national financier abandonnait toute poursuite contre l’entreprise. Un deal – une « convention judiciaire d’intérêt public », dans le jargon de Bercy – à l’époque présenté comme « gagnant-gagnant », mais qui évitait surtout à McDonald’s une longue et incertaine procédure judiciaire qui aurait pu se solder par une amende plus élevée encore, voire des peines de prison pour ses dirigeants – sans parler des calamiteuses retombées médiatiques associées à un tel procès public.

Des produits pas si locaux que ça

Or l’image de marque compte beaucoup pour McDonald’s. Raison pour laquelle les communicants du groupe, conscients du désastreux impact environnemental de son activité, déploient tant d’énergie pour vanter l’ancrage prétendument « local » de ses hamburgers et autres nuggets. « Nos filières ont du talent », clament ainsi les publicitaires maison ; mais, dans le détail, la réalité est plus contrastée : si la viande de bœuf provient bien d’élevages français, elle est aussi importée depuis l’Irlande ; le poisson est, lui, transformé au Danemark ; les pommes de terre viennent, quant à elles, parfois des Pays-Bas ; etc. Enfin, si certains aliments comme le poulet ou les œufs proviennent bien, eux, exclusivement d’exploitations situées en France, leur production ne fait vivre qu’un nombre réduit de sites disséminés sur le territoire métropolitain. Bref, on est loin, très loin même, de l’image d’une entreprise participant autrement que de manière purement anecdotique à la vitalité des campagnes françaises.

Un McDo local et responsable, la ficelle est donc un peu grosse. Trop, en tout cas, pour certaines communes qui, à l’image de Dolus sur l’île d’Oléron, se démènent pour faire savoir à Ronald qu’il n’est pas le bienvenu chez elles. Pendant des années, le maire écolo de cette petite ville de Charente-Maritime s’est battu contre l’implantation d’un énième restaurant, au motif que « le programme sur lequel on a été élus et sur lequel les gens ont voté, c’est de soutenir une agriculture durable et des circuits courts » – tout l’inverse, donc, du modèle promu par McDonald’s, qui a cependant obtenu gain de cause, la justice protégeant in fine le droit d’entreprendre. Même des villes aussi riches et puissantes que Florence, en Italie, s’y sont cassé les dents : en guerre contre un projet de restaurant donnant directement sur la très instagramable piazza del Duomo, la municipalité, visiblement pas convaincue par la promesse de servir 80% de produits locaux, s’est vue réclamer près de 20 millions de dollars de dédommagement par l’entreprise.

Un « harcèlement sexuel systématique »

Délétère pour la santé publique, fiscalement négligeable, insignifiant du point de vue de l’économie locale, l’impact de McDonald’s n’est pas plus à l’avantage de la multinationale en ce qui concerne l’emploi. Si l’entreprise a beau jeu de mettre en avant les nombreux emplois qu’elle offre localement, notamment auprès des jeunes peu ou pas qualifiés, sa politique sociale et ses méthodes de management font aussi l’objet de critiques récurrentes. Conditions de travail difficiles (chaleur, longues stations debout, promiscuité, accidents en cuisine, répétitivité des tâches, absence de considération des clients, etc.), pressions hiérarchiques, salaires de misère et reconnaissance sociale nulle sont ainsi le lot commun d’équipiers surmenés, frôlant souvent le burn-out. D’ailleurs, que McDo n’embauche quasiment que des jeunes prouve bien le fort turn-over s’exerçant entre ses murs, et la quasi-impossibilité d’y faire carrière, contrairement à ce que l’enseigne prétend. Ainsi, selon une étude Cadremploi publiée en 2018, 40% des salariés ne dépassent pas un an de présence, et 60% n’excèdent pas trois ans. Et à ces conditions de travail dégradées s’ajoutent, parfois, des actes, propos et pratiques constitutifs de harcèlement sexuel.

En 2020, une coalition de syndicats avait ainsi saisi la très sérieuse OCDE pour mettre en lumière le « harcèlement sexuel systématique » à l’œuvre, selon eux, dans les restaurants du groupe. « La violence et le harcèlement font partie de la culture de McDonald’s », estimaient les syndicalistes, dénonçant les « commentaires vulgaires », les « agressions physiques » et les « pressions » à l’encontre des « femmes, racisé.e.s et/ou LGBTQI+ ». Autant de conduites répréhensibles qui seraient, toujours selon les ex-employés ayant accepté de témoigner, parfois couvertes par la hiérarchie : « lorsque les victimes arrivent enfin à parler, la politique de McDo, c’est d’essayer de s’en débarrasser ». En somme, « venez comme vous êtes »… mais pas trop.