Au pays du matin calme, les tatoueurs risquent la prison

Dans le pays du matin calme, l’art du tatouage est sorti des sphères du crime organisé et fait désormais fureur au sein de la population. Cependant, la législation est restée très fermée à cette forme d’art corporel, à tel point que les tatoueurs exercent leur activité illégalement.

« Si on veut un tatouage, on doit aller à l’hôpital ? C’est tout simplement absurde » explique Jang Jung-Hyuk, un tatoueur propriétaire d’un salon baptisé Tattooism situé dans le centre de la capitale Séoul, dont le pseudonyme est « Horisen », qui signifie « Horizon ».

Le tatouage est théoriquement légal dans ce pays, mais ce sont les tatoueurs qui sont dans l’illégalité, s’exposant à des sanctions judiciaires. Beaucoup d’entre eux ont des salons clandestins, dans des sous-sols, ou à domicile. Si l’on désire se faire tatouer dans ce pays, la solution qui semble être la plus simple est d’aller à l’hôpital, afin d’être pris en charge par un médecin titulaire d’une licence médicale. Cependant, dans le cas où l’on repère un artiste sur Internet, et que l’on désire « se faire piquer » par ce dernier, c’est une tout autre paire de manches.

En effet, il faudra prendre contact avec un intermédiaire, et ce dernier posera une ribambelle de questions comme s’il s’agissait de drogue ou d’armes à feu, en somme quelque chose de grave et répréhensible par la loi. Parmi les informations que cet intermédiaire voudra glaner sur la personne intéressée, il y aura la manière dont cette dernière a pris connaissance de l’artiste, le métier qu’il exerce, ou encore le temps passé dans le pays, dans le cas d’un ressortissant étranger. Le but principal ? S’assurer que l’intéressé n’est pas de la police.

Souvent, les locaux où se pratique le tatouage se trouvent en sous-sol et sont sous vidéo surveillance. Les tatoueurs tentent alors de se protéger des infiltrations et des risques judiciaires, à la manière d’une organisation criminelle, un comble. Ces derniers se situent sans cesse entre l’envie de montrer leur art et une volonté légitime d’éviter la prison.

En 2001, la Cour Suprême de Corée du Sud a décrété que les médecins étaient les seules personnes habilitées à pratiquer le tatouage, considéré lui-même comme un procédé médical. Alors que les médecins sont représentés par un lobby très influent dans ce pays, mais également dans toute l’Asie, les officiels en Corée du Sud se justifient de la façon suivante :

« C’est invasif. La peau est percée et elle saigne. C’est pour cela que nous considérons cela comme une procédure médicale » explique Ahn So-Young, une porte-parole du ministère de la Santé sud-coréen.

La perversité du système réside surtout dans le fait que finalement, peu de médecins exercent le tatouage, une pratique considérée généralement comme immorale dans le pays, malgré un engouement plutôt nouveau. L’origine de cette « méfiance » se trouve dans le passé, car le tatouage était réservé aux organisations criminelles comme les Gangpae, comparables aux Yakuzas du Japon. À savoir tout de même qu’à l’époque, le tatouage fût réellement mal pratiqué, avec du matériel rudimentaire, donnant des résultats souvent hideux.

Cette mauvaise perception du tatouage se trouve progressivement dissipée par les nouvelles générations de Coréens qui apprécient cet art à travers les sportifs, les musiciens de K-Pop et même certains programmes TV qui tendent à populariser le phénomène.

En conséquence, bien qu’ils font l’objet d’une tolérance toute relative depuis tout récemment, les 20.000 tatoueurs clandestins de Corée du Sud s’exposent à des avertissements, amendes et peines de prison pour « atteinte à la santé publique ».

Sources : Vice NewsLe nouvel Observateur

Crédit photos : Tattooism / allotattoo.com