Prison : le porno, un droit fondamental pour les détenus ?

Au Québec, on désire réprimer l’accès aux films pornographiques pour les détenus des centres pénitenciers. Il s’agit d’installer un contrôle parental sur les chaines, en réponse à des rapports stipulant que les détenus veillent très tard pour visionner ce genre de films.

La sexualité dans l’univers carcéral a toujours été une question épineuse. Les rares études s’y consacrant traitent surtout sur les relations consenties entre détenus de même sexe à l’intérieur des prisons ou encore de l’impact des visites conjugales. Néanmoins, un consensus général admet que le fait d’aider les prisonniers à se soulager de leurs pulsions permet une réduction de la violence (et des viols) au sein des établissements, ce qui est loin d’être le cas dans l’intégralité des pays du monde.

« La sexualité est un besoin basique qui ne s’en va pas lorsque vous êtes incarcéré. La prison peut être incroyablement frustrante : vous ne pouvez pas ouvrir les portes vous-même, vous ne pouvez pas voir ceux que vous aimez. Donc les conséquences de l’absence de sexualité sont considérables » explique Nina Califano, juge française auteure de Sexualité incarcérée, Rapport à soi et rapport à l’autre dans l’enfermement (L’Harmattan, 2012), propos recueillis par Vice News dans son article du 22 octobre 2015.

Pour la juge, l’inhibition des pulsions des détenus dans l’univers carcéral est facteur de problèmes au-delà des violences puisque cela toucherait également à leur réinsertion. L’assouvissement des pulsions sexuelles permettrait aux détenus de se calmer, d’avoir un meilleur comportement en prison et une fois sorti, une meilleure réintégration en société.

Il y a presque un an, un détenu québécois nommé Haris Naraine s’est battu en justice contre une décision émanant de sa prison : interdire deux chaines de télévision retransmettant des films à caractère pornographique. Selon le verdict, le commissaire du Service correctionnel du Canada (CSC) aurait effectivement banni ces programmes pour « maintenir un environnement sûr et sain», mais le détenu a finalement eu gain de cause.

Haris Naraine avait porté son dossier devant une cour fédérale, invoquant le droit constitutionnel à la liberté d’expression et indiquant qu’il avait payé pour visionner le contenu des chaines. Le juge a déclaré que cette interdiction constituait une atteinte à ses droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

« Les gens vont en prison parce que c’est là leur punition, ils ne vont pas en prison pour y être punis. Ils entrent avec les droits qu’ils ont à l’extérieur, sauf dans les cas où ils sont restreints par nécessité » explique Todd Sloan, l’avocat du détenu.

Les avis sont donc partagés entre des pouvoirs publics hostiles et des détenus voulant faire valoir leurs droits. La juge française Nina Califano estime qu’il s’agit d’un pari risqué pour les politiques de parler de la sexualité en prison, tout simplement parce que s’exprimer sur la qualité de vie des prisonniers n’a pas une influence positive sur les sondages.

Elle appelle donc les médecins et autres psychiatres à prendre la parole pour plus de poids : « Si vous demandez à des experts quelle est l’importance de la sexualité, en prison ou non, ils vous diront qu’elle est primordiale ».

Sources : Vice NewsCBC