Tokyo : les premiers JO féministes ?

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Crédits : @CNOSF/KMSP Flickr

Les Jeux olympiques de Tokyo viennent de se terminer, et outre le bilan des mĂ©dailles vient celui de la rĂ©ussite de l’évĂ©nement au regard des objectifs que s’étaient fixĂ©s les organisateurs. Ceux-ci souhaitaient « les meilleurs de tous les temps en termes d’Ă©galitĂ© des sexes », et au regard de l’Ă©volution des Ă©preuves et de la proportion d’athlètes fĂ©minines, Tokyo pourrait bien avoir dĂ©crochĂ© l’or.

Promesse tenue par le CIO

Le 8 aoĂ»t, les handballeuses françaises ont remportĂ© leur premier titre olympique face aux joueuses du comitĂ© olympique de Russie. Elles tiennent ainsi leur revanche de la finale des JO de Rio, il y a cinq ans, Ă  l’issue de laquelle les Bleues s’étaient inclinĂ©es face aux Russes. Symbole d’un certain machisme qui persiste dans le milieu sportif, ce n’est pas cette superbe mĂ©daille d’or qui a fait la une de L’Equipe du 9 aoĂ»t, mais l’arrivĂ©e de Messi au PSG – qui n’était alors qu’une hypothèse. « L’histoire se rĂ©pète… On ne mĂ©rite pas la une, L’Équipe? », a lancĂ© sur Twitter la gardienne de l’équipe de France, ClĂ©opâtre Darleux.

Cette incorrection du journal sportif ne doit cependant pas faire oublier que les handballeuses françaises ont réalisé leur exploit devant 4,6 millions de téléspectateurs rien que dans l’Hexagone, et que ces jeux tokyoïtes ont tenu toutes leurs promesses, y compris celle d’organiser des d’épreuves « plus jeunes, plus urbaines, avec davantage de femmes », tel que décidé dès 2016 par le Comité international olympique (CIO).

Plus d’épreuves féminines et mixtes, une quasi-parité chez les athlètes

L’absence quasi totale de spectateurs sur les sites et stades olympiques due Ă  la pandĂ©mie de Covid-19 n’a pas fait dĂ©railler cette rĂ©forme voulue par le prĂ©sident du CIO, Thomas Bach, pour donner un coup de jeunes aux jeux. « Le CIO s’engage en faveur de l’Ă©galitĂ© des sexes dans tous les domaines, qu’il s’agisse des athlètes qui concourent sur et en dehors du terrain de jeu ou des rĂ´les de direction dans les organisations sportives […] Ă€ quatre mois seulement des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, le Mouvement olympique se prĂ©pare à franchir une nouvelle Ă©tape dans ses efforts pour crĂ©er un monde sportif Ă©galitaire entre les sexes – les premiers Jeux olympiques Ă©quilibrĂ©s entre les sexes de l’histoire », avait dĂ©clarĂ© ce dernier en mars.

Une Ă©galitĂ© visible dès la cĂ©rĂ©monie d’ouverture du 23 juillet, lors de laquelle les 206 comitĂ©s nationaux olympiques ont fait dĂ©filer au moins une sportive et un sportif dans leur dĂ©lĂ©gation – une première ! Le CIO avait Ă©galement encouragĂ© les comitĂ©s Ă  faire porter leur drapeau par un sportif homme et un sportif femme. Une recommandation respectĂ©e par la France, dont le drapeau tricolore fut portĂ© par la judoka Clarisse Agbegnenou et le gymnaste Samir AĂŻt SaĂŻd lors de la cĂ©rĂ©monie qui a rassemblĂ© près de 4 millions de tĂ©lĂ©spectateurs sur France 2.

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Crédits : Mark / Flickr

Durant les deux semaines qui ont suivi, il y eut Ă  Tokyo deux fois plus d’Ă©preuves mixtes (18 Ă©preuves) qu’à Rio : un programme « rĂ©volutionnaire » selon les mots du CIO, incluant par exemple le relais mixte 4x100m quatre nages en natation, le relais mixte 4x400m en athlĂ©tisme, le double mixte en tennis de table et des Ă©preuves mixtes en judo, triathlon et tir, comme le rappelait L’Express dans un article du 16 juillet dernier. Par ailleurs, quatre nouvelles fĂ©dĂ©rations internationales ont proposĂ© pour la première fois un nombre identique d’Ă©preuves masculines et fĂ©minines, en aviron, canoĂ«, haltĂ©rophilie et tir. Notons Ă©galement le retour du softball, une variante du baseball, jouĂ©e uniquement dans sa version fĂ©minine aux JO et qui avait disparu depuis PĂ©kin en 2008.

Mieux encore : les JO de Tokyo auront Ă©tĂ© les premiers Jeux olympiques de l’histoire Ă  respecter le principe de (quasi) paritĂ© entre les sexes, avec 49% de femmes sur l’ensemble des sportifs en compĂ©tition, contre 44,2% Ă  Londres en 2012 et 45,6% à Rio. Six fĂ©dĂ©rations internationales ont ainsi offert – Ă©galement pour la première fois – un Ă©quilibre entre sportifs hommes et femmes : aviron, canoĂ«, haltĂ©rophilie, et tir toujours, mais aussi judo et voile.

Les Jeux paralympiques, qui auront lieu dans la capitale nippone du 24 aoĂ»t au 5 septembre prochain, seront eux aussi rĂ©solument fĂ©ministes. Outre le fait que tous les comitĂ©s nationaux y seront Ă©galement encouragĂ©s Ă  faire porter leur drapeau par une femme et un homme lors de la cĂ©rĂ©monie d’ouverture, au moins 40,5% de tous les athlètes paralympique seront des femmes. Ceci correspond Ă  1782 athlètes, soit une augmentation par rapport aux 38,6% de femmes (1671 athlètes) qui avaient participĂ© aux Jeux de Rio. Le prĂ©sident du ComitĂ© international paralympique Andrew Parsons s’est exprimĂ© sur la situation en ces termes : « Nous nous efforçons constamment avec nos membres d’accroĂ®tre la participation des femmes Ă  tous les niveaux du mouvement paralympique, des athlètes aux administrateurs, des entraĂ®neurs aux membres du conseil d’administration. Tokyo 2020 est en passe d’accueillir plus d’athlètes fĂ©minines que tous les Jeux paralympiques prĂ©cĂ©dents. En moins de dix ans, nous aurons augmentĂ© le nombre de femmes participant aux Jeux paralympiques d’au moins 18,7% par rapport Ă  Londres 2012. MalgrĂ© ces progrès, nous ne nous reposerons pas sur nos lauriers et nous continuerons Ă  travailler dur avec nos membres pour augmenter la participation des femmes Ă  tous les Jeux futurs jusqu’Ă  ce que nous atteignions l’Ă©galité des sexes. »

Tokyo 2021
Tokyo 2021 – CrĂ©dits : @CNOSF/KMSP Flickr

Une (r)évolution dans les instances dirigeantes

Cette volonté de mettre un terme à la sous-représentation des femmes n’a pas concerné que la partie émergée de l’iceberg olympique (les épreuves télévisées), mais a également eu lieu en amont dans l’immense machine organisationnelle qui est à l’origine d’un événement sportif d’une telle ampleur.

Après la nomination de son nouveau prĂ©sident Hashimoto Seiko, le comitĂ© d’organisation de Tokyo 2020 avait dans la foulĂ©e augmentĂ© la taille de son conseil d’administration en y portant la part de femmes Ă  42%. Il avait Ă©galement créé une Ă©quipe de promotion de l’Ă©galitĂ© des sexes sous la houlette de sa directrice des sports, Kotani Mikako. Selon Hashimoto Seiko, cette Ă©quipe a « travaillĂ© activement Ă  la mise en place de nouvelles actions possibles, notamment des propositions visant Ă  laisser un hĂ©ritage durable après les Jeux ». « Nous sommes dĂ©terminĂ©s Ă  faire en sorte que les Jeux de Tokyo 2020 soient considĂ©rĂ©s comme un tournant dans l’histoire lorsqu’on y repense de nombreuses annĂ©es plus tard », avait annoncĂ© non sans ambition le prĂ©sident du comitĂ© d’organisation.

Cette dĂ©termination Ă©tait Ă©galement partagĂ©e au niveau politique, dans un pays qui est pourtant considĂ©rĂ© de notre cĂ´tĂ© du monde comme conservant une vision assez traditionnelle du rĂ´le de la femme. « La participation des femmes et des hommes dans tous les domaines et la participation active des femmes conduiront Ă  la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© prospère, dynamique et durable, et Ă  la rĂ©alisation d’une sociĂ©tĂ© dans laquelle chacun peut vivre confortablement », avait ainsi dĂ©clarĂ© Marukawa Tamayo, qui additionne les casquettes de ministre des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo, de ministre chargĂ©e de l’autonomisation des femmes et de ministre d’État Ă  l’Ă©galité des sexes. 

British Embassy Tokyo Flickr - Tamayo Marukawa
Foreign Secretary meets Japanese Olympic Minister Tamayo Marukawa. CrĂ©dits : British Embassy Tokyo – Flickr –

« Afin de reconnaĂ®tre Ă  nouveau l’importance de l’unitĂ© dans la diversitĂ© Ă  travers le monde et de faire des Jeux de Tokyo une occasion de dĂ©velopper une sociĂ©tĂ© harmonieuse et inclusive, le gouvernement du Japon, ainsi que le CIO, le CIP, le TMG [le gouvernement mĂ©tropolitain de Tokyo] et le ComitĂ© d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo s’engageront Ă  faire des Jeux de Tokyo les meilleurs de tous les temps en termes d’Ă©galitĂ© des sexes ; Ă  promouvoir l’Ă©galitĂ© des sexes dans le domaine du sport ; et Ă  soutenir les femmes largement touchĂ©es par la pandĂ©mie », avait encore dĂ©clarĂ© la femme politique de 50 ans. Une vision partagĂ©e par le gouverneur de Tokyo, Koike Yuriko, qui avait prĂ©cisĂ© que « la promotion de la participation active des femmes dans la sociĂ©tĂ© est considĂ©rĂ©e comme l’une des tâches essentielles du TMG », et que ses Ă©quipes Ă©taient « dĂ©terminĂ©es Ă  continuer Ă  travailler sur diverses mesures de manière extensive ».

L’impact qu’aura cette impulsion féministe une fois la page des jeux tournée sera à observer, mais toujours est-il que cet événement qui aurait pu être annulé à cause de la pandémie a tenu ses promesses et a réalisé un sans-faute, dans ce domaine comme dans tous les autres.