Le jour de la sortie de son DVD, cet humoriste a décidé de le pirater lui-même. Voici pourquoi

Non, le « piratage » ne tue pas l’industrie du divertissement. Bien au contraire en réalité, comme nous vous l’expliquions dans ce précédent article, les revenus globaux de cette industrie sont même en hausse significative. Devant ce « bashing » du nouveau modèle du partage en ligne, Dan Gagnon, un humoriste québécois a décidé de pirater lui-même le DVD de son premier spectacle, le jour de sa sortie. Il nous explique pourquoi.

L’industrie du divertissement, notamment celles du disque et du cinéma en première ligne, désigne le partage de fichiers en ligne par le biais d’internet comme le modèle qui aura sa peau. Pourtant, ses revenus n’ont jamais été aussi élevés, selon la London School of Economics (LSE). Et on le vérifie nous même. En effet, nous n’aurons finalement jamais autant découvert d’artistes et de contenus créatifs originaux que depuis que ce nouveau modèle est en place.

Dan Gagnon est un humoriste québécois dont le tout premier spectacle est sorti en DVD il y a quelques jours, le 4 décembre. Mais ce jour-là, il a pris une décision importante et étonnante, « pirater » lui-même son DVD et le proposer gratuitement sur internet. Une décision qui pourrait paraître suicidaire, mais qui est en fait d’une logique implacable lorsque Dan Gagnon nous explique son raisonnement au travers d’une lettre.

Je m’appelle Dan Gagnon et aujourd’hui, jeudi le 4 décembre, je sors un DVD qui représente des années de travail. Et aujourd’hui, jeudi le 4 décembre, il est déjà sur Internet, en torrent. Même que si vous voulez, je vous donnerai le lien à la fin de ce message. Des années de travail et le jour de sa sortie, quelqu’un a décidé de le donner gratuitement. Est-ce que je suis fâché ? Pas du tout. Au contraire.

Je ne me sens pas agressé, dépouillé, je n’ai pas l’impression qu’on me manque de respect ou qu’on me vole. J’ai l’impression de vivre avec mon temps.

Qu’on se comprenne bien. J’espère que vous allez acheter mon DVD. Il coûte 15 euros. Parce que je pense qu’il vaut 15 euros.

Mais si vous ne voulez pas l’acheter, vous pourrez quand même le voir. Parce qu’il y a des gens qui choisissent de rendre les choses gratuites. Pour que les autres décident de leur valeur.

Je savais que quelqu’un allait le pirater. On me l’a dit des dizaines de fois. Alors j’ai choisi de le faire moi-même. Pour être certain qu’il soit en bonne qualité. Pour que vous puissiez juger correctement.

Oui, je me suis piraté moi-même. Parce que je pense que tout le monde y gagne.

J’espère que ceux qui avaient l’intention de l’acheter l’achèteront quand même. Je vais aller plus loin et parier qu’environ 99,99 % des gens qui avaient l’intention de l’acheter vont le faire.

J’espère que ceux qui avaient l’intention de l’offrir en cadeau vont quand même le faire. Je vais aller plus loin et parier qu’environ 99,99999 % des gens qui voulaient l’offrir en cadeau vont quand même l’acheter. (C’est assez rare d’offrir une clé USB pour Noël.)

Mais il y a les autres. Ceux qui ne connaissaient pas. Ceux qui n’étaient pas certain d’aimer. Ceux qui se font chier sur Internet et qui cherchent un truc qui le fera rigoler un peu. Y’a ceux qui n’ont pas d’argent, ceux qui n’en ont pas encore et ceux qui n’en ont plus. Eux, j’espère qu’ils le téléchargeront gratuitement. Et je suis même prêt à parier qu’il y a au moins 1 % des gens qui n’avaient pas l’intention de l’acheter et qui le feront après l’avoir vu gratuitement. Pour eux, ou pour l’offrir. Ce qui compensera largement pour les 0,01 % de gens qui ont changé d’idée et ont choisi de ne plus l’acheter.

Le spectacle est maintenant disponible gratuitement parce je ne pense pas que les torrents, ce soit le diable. J’ai découvert plein d’artistes grâce à ça. Des artistes dont je n’aurais jamais vu/entendu le matériel. Je me vois mal faire l’hypocrite et être soudainement contre maintenant qu’il s’agit de mon DVD. Et de toute façon, ce n’est pas comme si j’avais le choix.

Avant, pour se faire remarquer, il fallait faire du bruit. Maintenant, quand tu sors un DVD avant les fêtes de fin d’année, tu fais partie d’un groupe d’environ 50 000 personnes qui tentent de faire du bruit. Se faire remarquer dans un monde de silence, c’est facile. Faut être bruyant. Se faire remarquer dans un monde de bruit, c’est plus compliqué. Je n’avais pas envie de faire comme les autres. Essayer de se faire remarquer en faisant la même chose que tout le monde, c’est pas mal la définition d’une mauvaise stratégie.

C’est pourquoi on a décidé de faire ce qu’on a fait. C’est mon premier spectacle. Le plus important pour moi, c’est qu’il soit vu. Parce que j’en ai déjà un deuxième qui tourne. Si vous aimez le premier, venez voir le nouveau. Au total, si vous trouvez ce que je fais drôle, ça va marcher. À court, moyen ou long terme, je ne sais pas, mais ça va marcher.

(Je ne dis pas que tout le monde devrait penser comme moi non plus. C’est simplement ma réflexion personnelle pour mon cas particulier.)

Je voulais montrer au plus grand nombre un résultat dont je suis fier. Ce spectacle, c’est des années de travail. Des dizaines de personnes qui ont bossé autour. Et peut-être que vous n’allez pas aimer. Mais c’est vraiment le maximum que je pouvais faire, en ce jour de juin 2014 à Namur.

Achetez-le svp.

Parlez-en svp.

Offrez-le en cadeau.

Mais surtout, regardez-le. Si vous en avez envie.

Et tel que promis, voici le lien.

https://www.t411.me/torrents/l-excellent-spectacle-de-dan-gagnon-dvdrip-by-team-koc

Un raisonnement intelligent. Car ce nouveau modèle sert complètement la création originale, en maximisant les potentiels et en diversifiant la création. La culture devient interactive, participative, et le créateur n’aura jamais été aussi proche de son public. L’artiste, le vrai, s’y retrouve bien plus qu’il ne l’aurait pu avant. Reste désormais à l’industrie du divertissement à s’adapter à ce modèle plutôt que de lutter contre.

sources : hitek, lse, francetvinfo