La filière recyclage, victime du Covid-19

recyclage déchets
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La crise sanitaire et économique provoquée par l’épidémie de Covid-19 est peut-être l’occasion de réfléchir à un changement de civilisation, vers une décélération de la société de consommation et une forme de décroissance. Mais cette transition vers un nouveau modèle de société est entravée par les difficultés rencontrées par certains secteurs « verts », comme la filière du recyclage.

40% des centres de tri fermés

C’est la crise dans l’univers du recyclage français. Près de 40% des centres de tri français sont actuellement fermés. En région parisienne, seul un sur cinq fonctionne. Selon la Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage, l’activité du secteur a baissé de 50%, voire 90% pour certains groupes.

Des salariés au chômage partiel, des entreprises au bord de la faillite… Comment expliquer une telle crise ? Depuis quelques mois, les nuages noirs s’étaient amoncelés dans le ciel du secteur du recyclage.

La chute des prix du pétrole a considérablement allégé les coûts de fabrication du plastique, rendant le plastique « neuf » économiquement aussi intéressant que son cousin issu du recyclage. Deuxième raison, relevée dans le magazine GQ : la dégradation de la qualité des déchets. En effet, pour des raisons économiques, les entreprises du secteur fabriquent des emballages de plus en plus fins : pour la filière recyclage, c’est donc moins de matière première et, in fine, une rentabilité moindre.

Mais la crise du coronavirus a peut-être porté le coup de grâce à ce secteur. Les entreprises du recyclage sont parmi les plus touchées par l’absentéisme de leurs salariés, infectés ou confinés pour protéger leurs proches. Près de 15% des effectifs manquent à l’appel.

entreprise recyclage
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Un risque de faillite pour les entreprises de recyclage

Mais surtout, le ralentissement de l’économie a provoqué une baisse de l’offre de matières premières à recycler. Ainsi, avec la mise à l’arrêt forcée de nombreux commerces et restaurants, l’interdiction et des marchés et la disparition des touristes, le volume des déchets collectés a baissé de 35 % à Paris ! Sacs plastiques, cartons… Autant de détritus provoqués par l’activité économique qui nourrissaient les entreprises de recyclage… et qui manquent cruellement désormais.

La tendance touche toute la France et cette baisse soudaine et drastique de l’activité pénalise l’ensemble des pans de la filière : recyclage du plastique, du verre, des métaux… Tous, à différents degrés, paient un lourd tribut à la crise économique. Ce marasme, et les éventuelles faillites dans les prochains mois pourraient handicaper lourdement le programme national de transition écologique.

La crise vient pourtant frapper un secteur en plein développement. La culture du recyclage et de l’économie circulaire se matérialisait profondément depuis plusieurs années dans de nombreuses entreprises, particulièrement dans l’agroalimentaire.

Extraire, fabriquer, consommer, jeter : avec l’économie circulaire et le recyclage, entreprises et pouvoirs publics cherchent précisément à rompre avec ces quatre étapes de l’économie linéaire. En effet, ce modèle de production de biens s’est avéré au fil des décennies coûteux sur le plan environnemental et pas forcément rentable sur le plan économique.

Avec l’économie circulaire, l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie, ainsi que la production de déchets).

plastique recyclage
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Zéro plastique jetable d’ici 2040

Poussés par les pouvoirs publics, soucieux de leur image auprès de l’opinion, mais aussi de plus en plus conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la société et de l’environnement, de nombreux groupes ont entamé depuis une dizaine d’années une mutation profonde vers l’économie circulaire. Cependant, les efforts ne sont pas toujours assez importants au regard des engagements pris par la France. Prenons l’exemple du groupe français Danone.

En 2018, l’entreprise annonçait son ambition, d’ici 2025, de proposer des emballages plastiques 100% issus du processus de recyclage. Un programme de recherche et développement a ainsi été mis sur pied pour produire et commercialiser dans les prochaines années des bouteilles d’eau minérale fabriquées à partir de 100% de PET bio-sourcé (c’est à dire fabriqués en totalité ou en partie à partir de composants naturels renouvelables). Dans la même dynamique, Danone s’est engagé à faire passer la part de plastique recyclé dans ses bouteilles Évian de 25% à 100% sur la même période.

Une dynamique révélatrice d’une tendance de fond, dans tous les secteurs de l’Économie. Toutefois, le gouvernement a affiché son ambition d’aller plus loin et de forcer la main aux entreprises encore réticentes, avec la nouvelle loi « anti-gaspillage » votée le 29 mars dernier. L’objectif est d’atteindre le zéro plastique jetable d’ici à 2040. Une myriade de mesures ont ainsi été adoptées en lecture définitive à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Par exemple :

  • le remplacement de la vaisselle jetable par des assiettes et couverts réutilisables dans le secteur de la restauration rapide,
  • la mise en place d’un filtre à microfibres plastiques sur les lave-linge neufs,
  • l’installation dans les supermarchés de bacs de récupération des emballages et suremballages…

Les vents favorables qui soufflaient depuis plusieurs années en faveur de l’économie circulaire dans les entreprises et auprès de pouvoirs publics pourraient bien avoir été stoppés net par la crise du Covid-19. Si la crise venait à durer, des mesures d’aides publiques pour la filière du recyclage devront être envisagées afin que cette épidémie serve véritablement de tremplin vers un modèle de production et de consommation plus durable.

Pour comprendre les effets du plastique sur l’environnement, voici une infographie.

Plastique Chiffres

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