Ils se nomment Sergeï Pougatchev ou Farkhad Akhmedov, ils sont de richissimes hommes d’affaires et tentent par tous les moyens d’échapper à la justice de leur pays pour se confronter aux tribunaux européens.
Les oligarques russes, leur amour de la démesure, leurs vacances hors de prix… et leurs procès rutilants. En Europe, notamment, les compatriotes fortunés de Vladimir Poutine sont autant réputés pour le faste de leurs soirées que pour écumer les cours de justice, où sont généralement en jeu de faramineuses sommes d’argent. A l’issue d’histoires de famille ou d’affaires qui ont mal tourné, certains tentent par tous les moyens d’échapper aux tribunaux dans leur pays d’origine ou dans leur pays d’accueil. En oubliant un peu vite la pugnacité de la justice – et des requérants.
Sergeï Pougatchev et les livreurs de pizza
C’est ainsi qu’un tribunal de Nice, sur la Côte-d’Azur, s’est intéressé à un certain Sergeï Pougatchev, accusé de malversations financières – si le tribunal avait déjà tranché dans cette affaire, il ne devrait, quarantaine oblige, rendre sa décision que début juin. Le milliardaire, qui a obtenu la nationalité française il y a quelques années, est poursuivi par le régime russe depuis que la banque qu’il a cofondée, Mezhprombank (ou MPB), a fait faillite. La cause ? Sergeï Pougatchev se serait allègrement servi dans les fonds débloqués par la banque centrale russe (40 milliards de roubles, soit 514 millions d’euros) pour venir en aide à son établissement financier, après avoir fait défaut de ses euro-obligations.
Les faits ont tendance à accabler le milliardaire, puisqu’en plus d’avoir ponctionné la caisse pour son bénéficie personnel, sa banque aurait accordé quelque 2 milliards de dollars de prêts non garantis à des sociétés fictives, dont les «directeurs» – des agents de sécurité de MPB ou des livreurs de pizzas – étaient à peine impliqués dans la gestion, certains n’étant même pas au courant qu’ils «dirigeaient» une boite. Cerise sur le gâteau, la banque russe aurait également prêté de l’argent à son propriétaire pour qu’il s’achète un yacht et une villa française – un prêt que Pougatchev n’aurait jamais remboursé selon le liquidateur de MPB, l’Agence d’assurance des dépôts.
Sentant le vent tourner, il décide de quitter Moscou pour l’Europe, où il acquiert des résidences à Londres et dans le sud de la France, là où ses affaires ne pourront pas le suivre, pense-t-il. C’est raté. En 2014, la Haute Cour de Londres décide de geler les avoirs du milliardaire russe et lui interdit de quitter le territoire. Ce qu’il ne respectera pas. En novembre 2019, il recevait dans un hôtel parisien un journaliste du Figaro pour une rencontre et un portrait. L’occasion de rappeler que, se sentant lésé par la justice russe et son homologue britannique, il réclame réparation auprès de la Fédération de Russie, soit pas moins de 12 milliards de dollars.
Ce passage dans un journal français n’est pas un coup isolé. Sergeï Pougatchev, en as de la communication de crise, aura recours à plusieurs reprises aux médias, auxquels il servira toujours la même narration. Il affirme qu’il n’est que la victime de persécutions politiques, forcé de fuir en France – au mépris de la justice anglaise – parce que son ancien ami Vladimir Poutine a élaboré des complots pour l’assassiner. Pratique. Les accusations portées contre lui se volatilisent et il n’est plus question que de son existence traquée ; l’opinion publique semblerait se ranger derrière lui et contre le régime russe.
Mais la justice n’a pas dit son dernier mot. Un autre juge de la Haute Cour de Londres a, pour rappel, d’ores et déjà déclaré le milliardaire néo-français coupable de violation de pas moins de 12 ordonnances du tribunal, le condamnant par contumace à deux ans de prison.
Farkhad Akhmedov et l’un des divorces les plus coûteux du monde
Au Royaume-Uni, un autre oligarque russe, Farkhad Akhmedov, est bien connu des tabloids et du personnel judiciaire. La raison ? Le divorce de ce milliardaire (pétrole et gaz) à la fortune considérable (1,3 milliard de dollars, soit 1,2 milliard d’euros) et proche du président russe est considéré comme le plus cher du pays – et l’un des plus coûteux au monde.
Son ex-femme, Tatiana Akhmedova, citoyenne britannique quant à elle, pourrait prétendre à un chèque de quelque 453 millions de livres sterling (soit 500 millions d’euros), 41,5 % de la fortune du Russe, selon une décision de la Haute Cour de Londres en 2016 – aussi valable, selon Farkhad Akhmedov, que « du papier toilette ». La question étant cependant de savoir comment toucher cet argent, que l’oligarque défend bec et ongles.
Le magnat des hydrocarbures a effectivement déjà refusé à plusieurs reprises de se conformer à l’ordonnance de la Haute Cour. Mettant ainsi en évidence une tendance croissante : celle des oligarques russes qui ont longtemps vadrouillé dans des appartements de luxe à Londres ou des villas dans le sud-est de la France, et qui y mènent aujourd’hui leurs batailles juridiques.
Avec plus ou moins de réussite : il est désormais établi que Farkhad Akhmedov a tout fait pour dissimuler ses actifs afin que son ex-femme ne puisse pas en bénéficier – il a transféré l’intégralité de sa fortune vers une banque au Liechtenstein juste avant qu’un gel mondial de ses avoirs demandé à Londres par Tatiana Akhmedova ne soit prononcé.
Sources : Le Figaro, Swissinfo
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